Une voûte est un ouvrage courbe de maçonnerie, destiné à couvrir un volume. Utilisée au Moyen Âge, elle est particulièrement adoptée dans les églises. Quelle est la raison de leur succès ? Quelles sont les différences familles ?
Lors de vos visites de vieux monuments, vous n’y échapperez pas. Des voûtes couvrent les salles des châteaux forts, les galeries des cloîtres et surtout l’intérieur des églises. Éléments de prestige et de technicité, elles n’ont cessé d’évoluer.
Vous rencontrerez donc différents types : de la voûte en berceau à la coupole en passant par la croisée d’ogives. J’espère vous en faire découvrir au moins une ou deux dont vous n’aviez jamais entendu parler alors qu’elles se trouvaient, un jour de visite, au-dessus de votre tête.

Les églises sans voûtes
D’emblée, je dois casser votre élan. Voûter une église n’est pas une règle absolue. Question de moyens financiers. Question aussi de tradition. Certaines régions d’Europe restèrent réfractaires aux voûtes. Question d’époque enfin. Elles sont quasiment absentes pendant la première partie du Moyen Âge. Dit autrement, sur les chantiers entre 500 et 1000 après Jésus-Christ, le couvrement en pierre ne fait pas partie du cahier des charges. On préfère une charpente de bois. Dans les modestes villages, c’est même toute l’église qui peut être charpentée.

Pourtant, depuis l’Antiquité romaine, les bâtisseurs savent faire des voûtes. Leur coût explique-t-il leur rareté ? Possible, si bien que Charlemagne peut se permettre de voûter sa chapelle palatine d’Aix-la-Chapelle. Est-ce aussi un problème de main d’œuvre ? En effet, les voûtes nécessitent davantage de savoir-faire qu’une charpente et les bâtisseurs compétents manquent probablement.
Mais le frein principal semble le risque que fait porter la voûte au monument. Elle alourdit le couvrement, elle génère des poussées déstabilisatrices. Artisans comme commanditaires craignent l’effondrement.
Notez que je n’avance que des hypothèses. Malheureusement, pour mon information, je n’ai pas pu mettre la main sur un bâtisseur du Moyen Âge pour qu’il me donne ses raisons 🙂.
Voûter : une révolution technique et esthétique
Ce qui est certain, c’est que, vers l’an mil, les réticences reculent. La voûte en pierre remplace peu à peu la charpente, malgré son coût et ses contraintes. Un nouvel art de bâtir s’impose, dont l’équilibre, fragile, nécessite des calculs plus exigeants. Il faut repenser tout : les supports, les poussées, les volumes.
Pourquoi cette évolution ? Là encore, les historiens de l’art en sont réduits à des hypothèses. Peut-être les bâtisseurs ont-ils bénéficié du savoir-faire arabe. Dans l’Espagne musulmane ou suite aux croisades, ils sont au contact d’autres traditions de construction.
Peut-être que le choix du voûtement répond surtout à un danger : le feu. La pierre isole — certes imparfaitement — l’intérieur de l’église des incendies qui se déclenchent dans les charpentes. Une nef voûtée est donc une nef qui dure (on dirait un slogan publicitaire 🙂).
Quelles que soient les raisons, le voûtement a l’avantage d’unifier l’architecture de l’église : du sol au sommet, la pierre forme l’enveloppe intérieure de l’édifice. Donc, la valeur est au moins esthétique. Le commanditaire qui lance un tel chantier compte bien acquérir pour lui et son église un certain prestige. Car, comme le dit l’historienne de l’art Éliane Vergnolle, construire une église voûtée demande tellement d’argent et de technicité.
Certaines régions sautent le pas — les Asturies en Espagne l’adoptent précocement, avant l’an mil. La Bourgogne suit au XIe siècle. A la même époque, s’épanouit l’art roman. La voûte devient l’apparat des nouveaux édifices. Cependant d’autres régions résistent, comme en Bretagne, en Normandie ou dans le Saint-Empire. Le bois reste roi. Il faut attendre l’époque gothique pour que la voûte devienne indispensable.
Comment construit-on une voûte ?

Les voûtes médiévales ne sont jamais monolithes. Elles sont constituées de nombreuses pierres. On parle de voûte appareillée. Ce mode de construction se justifie. Il est plus simple de fabriquer, de transporter et d’assembler des petites pierres plutôt qu’un seul bloc monolithe. Autrement dit, la modularité de la voûte facilite la construction. Pensez aux legos.
En plus, cette façon autorise des portées audacieuses. Il est inconcevable de tailler une pierre courbe capable à elle seule de couvrir un édifice de 10 m de large. En décomposant l’arc en plusieurs pierres, on peut y arriver.
Encore faut-il les tailler en claveau, c’est-à-dire en coin (les côtés sont en biais et convergents). Grâce à cette forme, les pierres s’imbriquent et tiennent ensemble. Si on appuie sur un claveau, il ne peut pas s’échapper : il transmet cette pression aux claveaux voisins, qui font de même jusqu’à la rediriger vers les supports (colonnes, piliers, murs). Résultat, une fois fermée par la clé de voûte au sommet, la voûte peut supporter sa charge.
Gare cependant à la poussée, cette force d’écartement générée par la pression d’ensemble des claveaux. Elle peut rendre l’arc, et plus généralement la voûte, instable. Aux bâtisseurs de savoir la contenir, par exemple en épaississant les murs ou en ajoutant des arcs-boutants.
Lors de leur mise en place, les claveaux ne reposent pas dans le vide. Ils sont posés et assemblés sur un cintre, une structure temporaire de bois. Un joint de mortier (mélange de chaux et d’eau) lie les pierres, offrant une certaine souplesse de l’arc face aux déformations. Une fois le mortier séché, on peut retirer les cintres. Avec crainte… Tout peut s’effondrer vu le poids en jeu : dans la basilique romane de Saint-Savin, l’épaisseur des pierres atteint 2 m. À comparer à la légèreté de certains voûtains de Notre-Dame de Paris, 9 cm. Dans ces conditions, la verticalité des églises peut être davantage recherchée.
Lire aussi : identifier les arcs dans une église.
Je suis sûr que l’envie de monter une voûte vous démange désormais. Mais avant de vous mettre à tailler des pierres en claveau, réfléchissez au type de voûte que vous souhaitez.
Typologie des voûtes
Dans ce domaine, les bâtisseurs reprennent les formes antiques, mais aussi innovent. Si bien qu’on peut déterminer au moins une quinzaine de types de voûtes au Moyen Âge ! Vous avez le choix. Pour y voir clair, je vous propose donc une division en trois ensembles :
- les voûtes cylindriques.
- Les voûtes gothiques
- Les voûtes sphériques
Chaque famille a ses usages, son époque et ses contraintes.
Les voûtes cylindriques
Facile : les voûtes cylindriques dessinent un couvrement en semi-cylindre. On les appelle aussi voûte en berceau. Elles recouvrent notamment les longues nefs des églises romanes. Gros problème : elles exercent des poussées très fortes sur leurs supports.

La pression de la voûte cylindrique peut être allégée en brisant le berceau, c’est-à-dire en lui donnant un profil en pointe, comme les arcs gothiques. Et ça nous donne un nouveau type de voûte.

Quand deux voûtes en berceau se croisent, elles forment une voûte d’arêtes. Vous en verrez plutôt au-dessus des bas-côtés ou des déambulatoires des églises romanes.
Lire aussi : le vocabulaire de survie pour comprendre l’architecture d’une église

Abandonnées à l’époque gothique, les voûtes en berceau reviennent en grâce à la Renaissance et surtout à l’époque classique. Donc, gardez-vous de ce réflexe d’associer systématiquement une voûte semi-cylindrique à l’architecture romane.
Les voûtes gothiques
Malgré le nom que je leur attribue, les voûtes gothiques apparaissent avant la mise au point de l’architecture gothique. Les derniers bâtisseurs romans arrivent à en construire. Elles se généralisent au XIIIe siècle au point de devenir le type de couvrement unique – ou presque – des églises gothiques.
Cette hégémonie tient à leurs multiples qualités :
- Elles pèsent moins que les voûtes cylindriques et demande donc moins de pierre (rappelez-vous les 9 cm des voûtains de la cathédrale de Paris)
- Elles pèsent moins sur les murs grâce à leur structure qui canalise les forces sur les piliers ou les colonnes.
- Elles s’adaptent à différents types de surface : carré, rectangulaire, pentagonale…
- Elles dessinent des lignes — des nervures — qui donnent de la verticalité à l’édifice.
Légèreté, souplesse, esthétique, les voûtes gothiques ont tout pour plaire. La plus répandue s’appelle la croisée d’ogives. Les ogives sont des nervures diagonales qui structurent la voûte et la divisent en compartiments, les voûtains. Classiquement, une croisée d’ogives est divisée en 4 voûtains par le croisement de deux ogives.

Mais les variantes de ce schéma sont nombreuses.

À partir du XIVe siècle, l’Angleterre, qui ne fait jamais comme tout le monde, développe une voûte gothique originale, la voûte en éventail. Constituée de cônes inversés, frappante par son ornementation, elle ne s’exportera jamais.

Les voûtes sphériques
Nous en arrivons à des structures non moins difficiles à construire mais plus évidentes à comprendre. Les voûtes sphériques reposent sur des divisions de sphère :
- La coupole. Cette voûte semi-sphérique n’est pas très pratiquée en Europe occidentale au contraire de l’Empire byzantin. Elle couvre des espaces carrés, en particulier la croisée du transept.

- Le cul-de-four ou demi-coupole, soit un quart de sphère. À l’époque romane, elles couvrent les fonds de chapelles ou de chœur arrondis. En termes plus techniques, elles occupent les absides. Lire mon autre artiche : Chœur, chevet et abside : quelle différence ?

C’est terminé pour ce tour d’horizon. Mais ayez conscience que chaque famille a d’autres variantes, mais je ne souhaite pas vous noyer (je suis un auteur qui vous veut du bien 🙂).
L’ornementation des voûtes
On ne peut pas comprendre le succès de la voûte en ignorant son symbolisme. Sa forme ronde évoque la voûte céleste, le domaine de Dieu. D’ailleurs, elles reçoivent parfois un décor d’étoiles ou d’un christ en majesté.
La peinture fait donc partie des techniques pour décorer la voûte. Dans l’art baroque, les artistes créent des trompe-l’œil qui donnent l’illusion de s’entrouvrir pour laisser apparaître le ciel. Magnifique !

Pour orner la voûte, on peut aussi multiplier les nervures. C’est la voie choisie par les tailleurs de pierre à la fin de l’époque gothique. Les croisées d’ogives se complexifient et dessinent un réseau décoratif. On a déjà vu l’exemple anglais de la voûte en éventail, mais les Français, les Allemands, les Espagnols, etc. ne sont pas en reste.

Parfois, une clé de voûte pendante donne le point final à ces démonstrations de virtuosité par les tailleurs de pierre.
Aujourd’hui, grâce au béton armé, on peut se dispenser d’utiliser des voûtes pour couvrir les grands volumes des églises contemporaines. Mais ce mode de couvrement reste apprécié.
À vous de les distinguer dans vos prochaines visites. Ça sera sûrement beaucoup plus facile que d’essayer de les construire 🙂.

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