Architecture romane et gothique : la méthode pour différencier ces styles du Moyen Âge
Si vous visitez une église, un de vos premiers défis est de distinguer une architecture romane d’une architecture gothique. Voici quelques caractéristiques simples à repérer.
Beaucoup d’églises ont été bâties dans la seconde moitié du Moyen Âge. Or, à cette époque, on construisait soit en style roman, soit en style gothique. Le style roman domina l’architecture religieuse grosso modo de l’an 1000 au XIIe siècle puis fut progressivement remplacé par le style gothique, un style qui perdura jusqu’à la fin du Moyen Âge et même un peu au-delà.

Cette classification romane/gothique est vraiment fondamentale dans l’histoire de l’art médiéval. C’est aussi important que la distinction en musique entre le rock et le jazz.
Pour différencier une église romane d’une église gothique, je vais prendre 5 critères (la forme des voûtes, la courbure des arcs…). Pour chacun d’entre eux, des photos vous aideront à la comparaison.
L’aspect général

Avant d’entrer dans l’église, faites-en le tour. Rien qu’en regardant sa silhouette, vous pourriez dégager quelques indices sur le style à l’œuvre.
- Une église romane apparaît plus trapue. Ses murs sont épais. Elle semble comme ancrée dans le sol, même si des tours, des clochers peuvent donner de la verticalité à l’ensemble.
- Une église gothique cherche à tutoyer les nuages. Elle est souvent plus élancée. Les tours ou les voûtes sont plus audacieuses. Ensuite, les murs sont davantage percés. Non pas que les fenêtres sont plus nombreuses mais elles sont souvent plus larges et hautes.

Cette opposition d’aspect s’explique par une logique de construction différente. Une logique que nous comprendrons mieux à l’aide des 3 critères suivants.
Mais avant de poursuivre, je vous signale que toutes les explications que je suis en train de donner, vous les retrouvez dans le guide que j’ai conçu. Vous pouvez le télécharger librement. Il vous explique les styles d’architecture : le gothique, le roman, mais aussi la Renaissance, le classique… Regardez en bas de l’article pour trouver le lien d’accès.
Les arcs brisés et en plein cintre
C’est l’indice le plus connu, mais attention, sa fiabilité n’est pas totale. L’arc, c’est la forme courbe que prend le dessus d’une ouverture : une porte, la baie d’un mur, une arcade…
- Dans l’architecture romane, c’est simple : domine l’arc plein-cintre, autrement dit l’arc semi-circulaire. Un demi-cercle aide à le tracer.
- Dans l’architecture gothique, l’arc est brisé. Il pointe vers le haut. Pour le tracer, deux cercles sont nécessaires, deux cercles que l’on entrecroise. Remarquez au passage combien la géométrie est indispensable pour édifier une église. Je me serais peut-être plus passionné pour les cours de géométrie si le professeur nous avait fait tracer des arcs.

A quoi bon poursuivre cet article ? Les arcs semblent un indice suffisant et efficace pour différencier les architectures romanes et gothiques. En vérité, les choses sont un peu plus compliquées. Par exemple, vous pouvez trouver des arcs brisés, donc a priori gothiques, dans des édifices romans. L’architecte ne vous a pas facilité la tâche. D’autres critères sont donc nécessaires pour assurer l’identification du style.
Les voûtes d’ogives et les autres
À l’intérieur d’une église, les espaces sont fréquemment couverts de voûtes, c’est-à-dire d’une maçonnerie aux formes courbes. L’inverse d’un plafond en somme.
Justement, les voûtes romanes se distinguent des voûtes gothiques.
Pour une fois, commençons par l’exemple gothique. Dans ce cas, les voûtes présentent un aspect particulier si on se place en dessous. Des arcs saillants se croisent en X. C’est ce que les historiens de l’art nomment des croisées d’ogives. Ces voûtes sont assez légères et ont l’avantage de reporter leurs poids sur les piliers ou les colonnes aux angles.

Par contre, dans les églises romanes, les voûtes sont souvent plus diverses au sein du même édifice. Plusieurs types de couvrement peuvent se juxtaposer. À chaque espace sa forme de voûte. Lesquelles précisément ?

- la voûte en berceau, dont l’aspect rappelle un berceau renversé. Elle a l’inconvénient de peser lourdement sur les murs.
- La coupole, autrement dit un couvrement en demi-sphère
- Si vous coupez verticalement la coupole en deux, vous obtenez des voûtes en cul-de-four, comme dans les vieux fours à pain.
- les voûtes d’arêtes. On pourrait les confondre avec les voûtes gothiques, les croisées d’ogives, qu’on a vues tout à l’heure. Sauf qu’elles ne présentent pas d’arcs saillants. Ce sont des croisées d’ogives ébauchées.

Je vous ai peut-être perdu avec cette liste. Retenez surtout que les églises gothiques privilégient très souvent un seul type de voûte (les croisées d’ogives) pour l’ensemble de l’église tandis que les bâtisseurs romans font appel à différentes solutions selon les secteurs de l’édifice.
Malheureusement, le diable peut vous jouer des tours : à la place des voûtes, une charpente coiffe certains édifices. Dans ce cas, reportez-vous au critère suivant.
Taille et nombre de fenêtres
Je le rappelle : les églises gothiques sont plus ouvertes que les romanes.
Dans l’architecture romane, les baies peuvent être si étroites que vous ne pourriez pas passer votre corps à travers si on enlevait le vitrail.
Je reconnais la bizarrerie de cette indice. Il est très peu probable que vous ayez l’idée de sortir de l’église par la fenêtre. Pour les quelques tentés, je vous conseille la porte 🙂
Il existe des baies romanes plus grandes mais elles dépassent rarement la taille ou l’envergure humaine.
Dans l’architecture gothique, les dimensions d’une fenêtre peuvent être immenses, jusqu’à une dizaine de mètres de haut ! Cet agrandissement est rendu possible par les fameuses croisées d’ogives, dont le poids ne repose pas sur les murs. Les architectes peuvent donc se permettre de percer ces murs. À condition, dans le cas des plus grandes fenêtres, de les renforcer par un squelette de pierre.

Les sculptures : du chapiteau à la statue
L’art roman mais surtout l’art gothique favorise la multiplication des sculptures. Elles gagnent les portails et recouvrent les chapiteaux, ces gros blocs de pierre évasés au-dessus des colonnes ou des piliers. Justement, observez bien ces chapiteaux.

Dans l’architecture romane, les sculpteurs privilégient des décors végétaux et figurés. Vous rencontrerez des hommes, des femmes, des animaux et même des monstres. Ces sculptures sont souvent curieuses et intrigantes. Certains chapiteaux racontent même une histoire, par exemple un épisode de la Bible ; ils sont dits historiés.
Dans l’art gothique, les chapiteaux figurés ou historiés tendent à disparaître. Les sculpteurs se cantonnent généralement au répertoire végétal. Par contre, sur les portails ou les façades, ils osent un type de sculpture inédit depuis l’Antiquité : les statues. Eh oui, c’est une révolution. Auparavant, à l’époque romane par exemple, on figurait des personnages dans la pierre mais ils ne se détachaient jamais du fond.

Les pièges
Avant de terminer, je tiens à vous avertir. Certaines églises vous déstabiliseront. S’y côtoient les caractéristiques des églises romanes et gothiques. Dans ce cas, deux explications :
- Soit vous visitez un édifice de transition. Il a été bâti au moment où la mode romane s’éteignait au profit du gothique. Ce passage s’observe dans les églises du XIIe siècle.
- Soit l’église que vous visitez résulte de plusieurs campagnes de construction. Une partie date de l’époque romane tandis que l’autre extrémité est postérieure, du temps de l’épanouissement de l’art gothique. Les bâtisseurs du Moyen Âge n’ont pas cherché ou pu homogénéiser l’édifice.

Il ne vous reste plus qu’à partir sur les routes de France, muni du guide téléchargeable que je vous ai annoncé. Ou tout simplement, entrez dans l’église près de chez vous pour déduire son style. Bref, exercez votre nouvelle compétence.
encore une belle leçon enrichissante pour les non initiés,mon premier travail du dimanche matin avant de partir promener les scottishs et de filer visiter quelques églises ou abbayes,c’est de lire les articles de Laurent!
Grand grand merci
jm
Merci. Je suis ravi de faire partie de votre routine dominicale.
Bonjour Laurent et encore un grand merci pour cet envoi du jour ainsi que celui qui complète les Musées du Moyen Âge avec de nouvelles adresses! Preuve en est que l’ union fait la force et permet le par Connaissance ce chacun. J’ai surtout retenu Autun et Dijon qui sont le plus proche de moi donc peuvent se faire sur un week-end. Quant à vos articles toujours aussi instructifs et surtout accessibles à tous Culturellement parlant. C’ est important. Je vous souhaite un bon dimanche. Cordialement chantal de Lyon.
Merci pour votre fidélité !
Je m’étonne de ne point voir mentionné le Germanisches Nationalmuseum de Nuremberg. Il est vrai que les Français s’imaginent qu’il n’y a de culture qu’en France et en Italie !!!
Jean D
Merci de sauver l’honneur allemand.
Bonjour Laurent. Un article fort intéressant concernant le roman et le gothique. Résidant à 30 km du lieu, je souhaiterai mentionner ici la basilique Sainte-Marie-Madeleine à Vézelay (Yonne). Édifiée entre le début du XIe siècle et la fin du XIIe siècle, elle présente les caractéristiques du roman latin dans le narthex et la nef, tandis que le transept et le cœur sont du gothique primitif.
Bien amicalement. D.-M.
Bonjour David. Vézelay est un bon exemple où s’exercer à distinguer les deux styles. Il fait écho à ma dernière remarque sur les pièges : attention aux édifices construits en plusieurs campagnes.
Je connais bien St Jouin de Marne et Talmont St Hilaire pour les intéressés par le Roman poitevin ainsi que l abbaye de Fontevraud je recommande chaleureusement
Merci pour ces recommandations… que je recommande aussi.
Je ne suis pas d’accord ! le rock et le jazz n’ont rien à voir et ne sont pas une évolution de l’un vers l’autre, ils ont évolué en parallèle, mais c’est juste anecdotique et n’enlève rien à l’admiration que j’ai pour vos articles. Merci !
Je ne suis un spécialiste de musique mais je pense que le jazz est une des racines du rock. Comme le roman est une (grosse) racine du gothique. Autre point commun : leur évolution. En termes de popularité, le jazz a décliné par rapport au rock, mais les deux styles ont cohabité et cohabitent.
Que dire alors de l’architecture cistercienne de la période 12e-14e siècle ? C’est une architecture de transition, ni totalement romane, ni totalement gothique. Le chevet reste droit, mais l’arc en plein cintre évolue vers l’arc brisé. C’est vrai qu’il est facile de mettre des styles dans des tiroirs avec des étiquettes. Je reproche à l’histoire de l’art d’être par nature subjective (qu’est-ce qui est « art », qu’est-ce qui ne l’est pas), et de ne pas assez s’appuyer sur l’histoire technique de l’architecture, voire sur l’archéologie du bâti. Voyez si besoin cet article d’Alain GUERREAU sur le sujet : (https://halshs.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/363566/filename/guerreau_edificesromans_saoneetloire.pdf.)
Attention donc aux limites de la vulgarisation !
Mais ce n’est pas pour çà que vos articles ne sont pas intéressants !
Cordialement,
Michel (de Bourgogne).
Votre commentaire m’inspire. D’abord sur l’architecture cistercienne. Est-elle un style à part ? Ou une variante du roman puis du gothique ? Comme il y a un gothique méridional ou un roman auvergnat. A mes yeux, l’architecture cistercienne n’a fait que suivre les tendances générales de l’art : roman puis gothique. Un chevet droit n’est ni spécifiquement roman, ni gothique.
Sur les styles en forme de tiroirs à étiquette, je revendique cette façon de procéder. Il faut aider un débutant en histoire de l’art en classant les objets du savoir, en l’occurrence les monuments. La distinction roman/gothique est un classique de la discipline. Une fois cette classification maîtrisée, on peut passer aux nuances ou déconstruire les étiquettes. Comme Alain Guerreau, je suis conscient de l’inadéquation de ces appellations romans/gothiques. J’en parlerai dans un prochain article.
Vous reprochez à l’histoire de l’art de ne pas s’appuyer sur l’histoire des techniques ou sur l’archéologie du bâti. C’est un peu faux : on ne fait plus de l’histoire de l’art comme au temps de Viollet-le-Duc. Des chercheurs sont ouverts aux disciplines connexes. Prenez Arnaud Timbert, spécialiste de l’architecture gothique. Prenez Alain Erlande-Brandenburg, très intéressé par la question des chantiers. Prenez Arnaud Ybert, qui regarde les monuments avec un œil d’ingénieur. D’ailleurs, des universités proposent des cursus couplant archéologie-histoire de l’art. En fait, l’histoire de l’art comprend plusieurs écoles, d’où une diversité d’approches.
Merci d’avoir allumé ces multiples mèches : elles donnent l’occasion de débattre.
merci mon sang je vais avoir 20na mon exposé grace a toi