Chœur, chevet et abside : quelle différence ?

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Laurent Ridel

Visiteurs d’églises, vous n’échapperez pas à ces trois termes d’architecture religieuse. Inévitablement les édifices religieux comportent un chœur et un chevet, souvent une ou des absides. Éclaircissons leur définition.

Chœur ou chevet ? Cathédrale de Troyes

La compréhension des mots « chœur », « chevet » ou « abside » est utile pour se repérer ou décrire le plan ou les élévations d’une église. Malheureusement, beaucoup de panneaux d’informations ou de guides touristiques tiennent leur sens pour acquis chez les visiteurs.

Moi qui baigne dans ce vocabulaire depuis environ 20 ans, je croyais parfaitement maîtriser ces notions fondamentales. Pourtant, en me plongeant dans les dictionnaires et les livres spécialisés, mes certitudes ont vacillé : les auteurs ne sont pas d’accord sur leur définition. Je vais tout de même tenter de clarifier par des schémas simples.

Chœur architectural et chœur liturgique

Selon l’angle choisi, le mot « chœur » n’a pas la même définition. Beaucoup d’entre vous connaissent le premier sens : c’est une zone de l’église qui se trouve au-delà du transept (ou au-delà de la nef en cas d’absence de transept). En général, il correspond aux parties orientales de l’édifice. C’est la définition d’un chœur au sens architectural.

Choeur architectural
Sur un plan d’église, il est facile de distinguer le chœur architectural dès lors qu’elle est dotée d’un transept. Dans les autres cas, le chœur s’emboîte directement sur la nef. Il se distingue alors par son volume plus rétréci (3e exemple), ou une séparation par des marches, clôture ou grand arc (dernier exemple).

Note : si les mots transept et nef ne sont pas clairs pour vous, je vous renvoie de suite vers cet article sur le vocabulaire de base.

Dans un deuxième sens, le chœur renvoie à une fonction. C’est l’endroit où chantaient en chœur les membres du clergé. On l’appelle le chœur liturgique pour le différencier du chœur architectural.

Le chœur liturgique de la cathédrale Notre-Dame d’Évreux. Les clercs attachés au monuments, les chanoines, s’installaient sur les stalles de chaque côté. De nos jours, le chœur liturgique n’est plus exclusivement réservé au clergé. Pour preuve, des chaises pour les fidèles y ont été mises.

Dans les petites églises, chœur liturgique et chœur architectural se recouvrent généralement. Ailleurs, la superposition n’est pas exacte pour deux raisons :

  1. le chœur liturgique peut  occuper seulement une partie du chœur architectural. Par exemple, si des bas-côtés et un déambulatoire en font le tour.  
  2. le chœur liturgique peut  s’étendre jusque dans le transept, voire dans la nef, zone traditionnellement réservée aux fidèles. Allez voir par exemple la cathédrale de Reims.
Position du chœur liturgique
Différentes extensions du chœur liturgique. Dans le premier cas, il équivaut au chœur architectural. Dans le second cas, il occupe une partie du chœur architectural et se déploie jusque dans le transept. Quelques auteurs excluent du chœur liturgique le sanctuaire (je développe le sujet plus bas)

Souvent, une clôture, à défaut des écriteaux, vous empêche d’y pénétrer.

Je vous parlais tout à l’heure de divergence entre les auteurs. Justement pour le chœur liturgique, il y en a une. Certains historiens de l’art refusent d’y intégrer le sanctuaire. Le sanctuaire ? Encore un mot à définir (à les enchaîner, vous allez croire que je n’ai pas de c(h)oeur à votre égard). Le sanctuaire est la partie où se trouve le maître autel, c’est-à-dire le plus fréquemment au fond de l’église, après avoir monté quelques marches. C’est la zone la plus sacrée de l’église. Autrefois, sur cet endroit surélevé, officiait le prêtre. De nos jours, il se tient plutôt au niveau de la croisée du transept.

Courage, on passe au 2e terme !

Le chevet

Là encore, les historiens de l’art ne sont pas d’accord. Vous allez sûrement apprécier la première version pour sa facilité. Selon Philippe Plagnieux, le chevet est synonyme de chœur architectural. Autrement dit, il désigne l’ensemble de la construction comprise au-delà de la nef ou du transept. Tout simplement.

À votre probable regret, j’avoue préférer l’autre définition, car employer deux mots pour qualifier la même chose me semble inutile.

Dans ce deuxième sens, le chevet correspond au chœur, mais vu de l’extérieur. Pour observer le chevet, il vous faut donc sortir du monument et vous vous placez côté est. Le chevet désigne alors l’ensemble des murs, fenêtres et toitures du chœur que vous voyez.

Je vous l’accorde : on est dans la nuance tant les deux définitions du chevet sont proches.  

Le chevet de la basilique Saint-Sernin de Toulouse
Le chevet tout en rondeur de la basilique Saint-Sernin de Toulouse

Les absides

Dans leurs plans et leurs élévations, les chevets présentent différents aspects. Au plus simple, l’église se termine par des murs quadrangulaires. On parle alors de chevet plat. Forme que vous retrouvez sur les petits édifices chrétiens ou les églises des abbayes cisterciennes.

Néanmoins les bâtisseurs préfèrent compliquer leur plan. Ils arrondissent la ou les extrémités de l’église pour y loger souvent des chapelles. Selon la taille de l’arrondi, on parle d’abside ou d’absidioles. L’absidiole étant la petite sœur de l’abside. Dans les faits, le mot abside est employé pour l’un ou pour l’autre. Autrement dit, ne sortez pas votre décimètre pour distinguer une absidiole d’une abside. 

Selon la disposition des absides et absidioles, se dessinent différents modèles de plan de chevet. Retenez les deux principaux (je vous ménage) :

  • le chevet à chapelles échelonnées. Une ou plusieurs absidioles, tournées vers l’orient, sont disposées symétriquement de part et d’autre du chœur
  • le chevet à chapelles rayonnantes. Sur la grande abside du chœur se greffent différentes chapelles en absidiole.
Plans-types de chevet d'église
Les plans de chevets les plus courants. La position, la taille ou l’absence d’abside créent des dessins variés.

À ce moment de l’article, les mots et les expressions s’entrechoquent certainement dans votre crâne. Je vais achever (à-chevet ?) les plus courageux d’entre vous par une dernière précision. Ne m’en faites pas reproche : prenez-vous-en aux bâtisseurs et à leur imagination. Non contents de bâtir des absides semi-circulaires, ils ont tracé aussi des absides polygonales, dites à pans coupés. En d’autres termes, les absides ne sont pas toujours rondes ! Comme beaucoup le croient…  

absides à pans coupés
Ces deux églises se terminent en abside ou absidioles à pans coupés.

On récapitule :

  • Le chœur architectural est la zone de l’église qui se trouve au-delà du transept (sinon de la nef)
  • Le chœur liturgique est la partie qui était réservée au clergé
  • Le chevet correspond au chœur architectural, pour les uns, au chœur architectural observé de l’extérieur pour les autres
  • L’abside et l’absidiole sont les formes semi-circulaires ou polygonales aux extrémités de l’église.
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L’AUTEUR

Laurent Ridel

Ancien guide et historien, je vous aide à travers ce blog à décoder les églises, les châteaux forts et le Moyen Âge.

Ma recette : de la pédagogie, beaucoup d’illustrations et un brin d’humour.

Laurent Ridel

16 réponses à “Chœur, chevet et abside : quelle différence ?”

  1. Avatar de LACOUR
    LACOUR

    Merci Laurent pour ce numéro très explicite….

  2. Avatar de ramnoux vincent
    ramnoux vincent

    Bonjour,
    Ça va , en lisant l’introduction de votre article, je m’attendais à une foule de termes inconnus, mais non tout est clair et très pédagogique.
    En attendant votre prochaine parution.
    Cordialement, Vincent

  3. Avatar de denis lesage
    denis lesage

    Toujours aussi passionnant et didactique. Un grand merci

  4. Avatar de Lambelet Gilbert
    Lambelet Gilbert

    Descriptions très intéressantes et claires! Merci, une fois encore!

  5. Avatar de Laurent Ridel
    Laurent Ridel

    Merci Gilbert, Denis, Vincent et Annie d’avoir laissé un mot.

  6. Avatar de FERNANDES
    FERNANDES

    Heureuse d’avoir découvert votre site car j’apprends, au fil de vos descriptions ,une connaissance que j’étais loin de soupçonner !

    Tout devient limpide, pour moi, dans ces livres de pierre…

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Un commentaire qui fait plaisir à lire.

  7. Avatar de Nadine Escolan
    Nadine Escolan

    Bravo ! ça me remémore le 1ers cours d’archéologie médiévale à l’université de Caen… il y a bien longtemps !

  8. Avatar de David-Marie Gestalder
    David-Marie Gestalder

    Laurent, un article fort intéressant et passionnant comme tout ce que vous publiez sur votre site. Malgré la lecture de cet article, j’ai encore du mal à saisir avec précision la différence entre chevet et abside. Pouvez-vous nous éclairer davantage sur cette précision architecturale ?

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      C’est un bon exercice pour moi de dire les choses autrement : l’abside est une forme (généralement semi-circulaire) ; le chevet est plutôt une zone de l’église.

      1. Avatar de David-Marie Gestalder
        David-Marie Gestalder

        Merci Laurent pour ce détail. J’avoue que je n’avais pas saisi ce point de vue. À présent je comprends mieux. Si je résume correctement, nous pouvons dire que le chevet inclut les éléments suivants : le chœur, le sanctuaire, le déambulatoire, les chapelles (échelonnées ou rayonnantes), l’abside.

        Concernant les églises à chevet plat, peut-on dire qu’elles ont une abside ? Abside qui serait alors la forme du mur plat du fond ?

      2. Avatar de David-Marie GESTALDER
        David-Marie GESTALDER

        Après quelques recherches effectuées dans le « Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle » d’Eugène VIOLLET LE DUC, je lis que les églises ayant un chevet plat, il est considéré que le mur du fond constitue la forme de l’abside. Donc cela répond en quelque sorte à mon interrogation.

        1. Avatar de Laurent Ridel
          Laurent Ridel

          Viollet-le-Duc est un grand architecte mais certains points de son savoir sont critiqués. C’est le cas de sa définition d’abside. Dire qu’une abside peut être plate, c’est aussi paradoxal de dire qu’un carré est courbe. La plupart des historiens de l’art ne donnent à l’abside qu’une forme ronde ou polygonale.

  9. Avatar de Carlué Michel

    Merci beaucoup pour vos explications, les définitions et les schémas sont très clairs !

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Ravi que cet article technique vous ai servi.

  10. Avatar de PATRICK LE MEE
    PATRICK LE MEE

    Bonjour
    Je crois savoir, c’est un vieux souvenir, qu’il existe une église au « chevet » similaire à celui de la basilique de Guingamp. C’est à dire polygonal à 5 cotés rentrant et sortants. Mais où? Merci d’avance.

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