Avant d’être une place forte, le château est un lieu de résidence. La vie était difficile, mais des équipements, souvent disparus aujourd’hui, amélioraient le quotidien de ses habitants.
Dans un château, on se bat parfois, on y vit surtout. Résident le seigneur et sa famille, mais aussi des domestiques, des soldats et un personnel administratif. Population qui a besoin, à des niveaux variables, d’être chauffée, éclairée, nourrie et lavée. Au fil des siècles, les dispositifs évoluent vers plus de confort, les préoccupations résidentielles l’emportant peu à peu sur la fonction militaire. Malgré ces améliorations, il n’est pas sûr que vous auriez supporté la vie de château(-fort).
S’éclairer : les fenêtres et les luminaires
« Quel était le confort exigé par celui qui habitait le château ? Lumière et chaleur étaient les deux premiers éléments » répond Jean Mesqui, un castellologue (spécialiste des châteaux forts) que je cite assez souvent sur ce site web.
La lumière est d’abord apportée par la fenêtre. En raison de préoccupations défensives, elles sont généralement absentes côté fossé. Place aux meurtrières et autres variantes. Les fenêtres peuvent cependant apparaître aux étages. Au XVe siècle, oubliant les nécessités défensives, les châtelains osent percer davantage leur demeure pour augmenter la luminosité. Les baies se multiplient et s’agrandissent sur les façades ou au pied des toits. Apparaît la fameuse fenêtre à croisée, barrée d’un meneau (montant vertical) et d’une traverse (élément horizontal).
Quand vous visitez un château, mesurez aussi le confort du lieu au creusement ou non de coussièges : apparus au XIIe siècle, ces bancs de pierre sont aménagés dans l’embrasure d’une fenêtre. Bénéficiant de la lumière extérieure, les femmes s’y installent pour discuter, lire, broder, filer et contempler le paysage.
Mais ne risquaient-elles pas de s’enrhumer à cause des courants d’air ? Car se pose la question de la fermeture de ces fenêtres. Bien que, depuis les premiers siècles du Moyen Âge, on connait le verre plat et le vitrail, ils n’équipaient pas toutes les demeures, du moins, l’ensemble des fenêtres (juste les pièces d’apparat). Là encore, le coût limite le recours au verre. Alors que mettait-on ? Sans doute du papier ou du parchemin huilé, des vessies de porc ou des tresses d’osier. L’isolation laissait sûrement à désirer en hiver.
Les fenêtres ne suffisaient pas pour donner un éclairage correct, surtout la nuit bien entendu. Des luminaires prenaient le relais. On pense aux bougies de cire ou aux lampes à huile. Mais étant donné le prix de l’huile et de la cire, ces moyens n’étaient probablement pas privilégiés dans les demeures ordinaires. Sauf lors des festivités. Dans leur livre La vie dans un château médiéval, Frances et Joseph Gies évoquent les chandelles de suif (de la graisse animale) qu’on plantait sur les pointes de chandeliers en fer.
Malgré ces dispositifs, les pièces devaient être assez obscures. Si vous faisiez tomber un denier par terre, vous n’étiez pas sûr de remettre la main dessus. Le feu de la cheminée était bienvenu pour éclairer davantage. Ce qui nous amène à la seconde préoccupation des habitants.
Se chauffer : mieux que la cheminée
On considère généralement la cheminée comme la solution face au froid. Prenez conscience cependant de son défaut principal : « avec une cheminée, on rôtit par devant, on gèle par derrière » résume l’historien Bernhard Metz. Vous en avez peut-être fait l’expérience. Son efficacité thermique est discutable, en particulier dans une grande salle.
Des alternatives existent. Les archéologues retrouvent les traces de foyers ouverts, au centre des pièces. N’oublions pas aussi les bons vieux poêles en céramique. Selon Christophe Moreau, « le rendement était beaucoup plus efficace que celui de la cheminée, le poêle fournissant à la pièce une chaleur plus régulière qui se diffusait longtemps après l’extinction du feu, grâce à l’inertie thermique de la céramique ».
Cependant, le castellologue Jean Mesqui remarque la rareté des poêles dans les châteaux du royaume de France, à la différence de l’est (Alsace, Franche-Comté…) et des pays germaniques. Malgré leur rendement calorifique moindre, les cheminées sont aménagées dans les murs de nombreux châteaux. L’archéologue Dominique Allios justifie cette faveur par le prestige : de plus en plus imposantes, peintes d’armoiries, moulurées, « elles constitueront un élément supplémentaire d’ostentation dans les grandes salles ».
Maintenant que nous avons chaleur et lumière, passons brièvement à table.
Se nourrir : le caviar est dédaigné
Selon l’historien André Debord, la supériorité de la vie aristocratique se manifeste plutôt dans l’abondance, et la qualité de la nourriture. J’ajouterais aussi « dans sa variété ». Au menu, le bœuf et le porc occupent une place de choix. Le cochon est un excellent garde-manger sur pattes : il s’engraisse à moindre coût, croit vite et fournit beaucoup de graisses et de viandes (à déguster fraîche ou en salaisons).
Selon Philippe Meyzie, spécialiste de l’alimentation ancienne, le caviar est déjà consommé au Moyen Âge, mais on s’en sert surtout pour nourrir les volailles ! C’est dire combien nos goûts et nos valeurs ont évolué.
Si cette partie vous laisse sur votre faim, je vous invite sur un autre article de ce site web : « Les seigneurs mangeaient-ils si mal à table ? ».
Accéder à l’eau : les difficultés du château du Haut-Koesnigsbourg
De l’eau, il en faut pour les cuisines, le nettoyage et l’hygiène. On en a aussi besoin pour les travaux de maçonnerie, ou lutter contre les incendies. À l’image du château du Haut-Koenigsbourg, les châteaux souffrent parfois d’approvisionnement en dépit de multiples solutions.
À proximité de cette forteresse des Vosges, il y a bien de nombreuses sources où tirer une eau de bonne qualité. Mais en cas de siège, sortir du château devient impossible. Pour contrecarrer cette vulnérabilité défensive, on creuse au XIIe ou XIIIe siècle un puits dans l’enceinte. Un sacré chantier ! La nappe phréatique se trouve à plus de 60 m de profondeur sous des couches rocheuses. Des mineurs de Sainte-Marie-aux-Mines sont appelés. L’opération réussit, mais au XVIe siècle, le site du puits s’avère trop exposé à l’artillerie à poudre. On perce donc deux nouveaux puits… sans parvenir cette fois à atteindre l’eau.
Comme d’autres châteaux, le Haut-Koenigsbourg compte heureusement sur des citernes qui recueillent l’eau des toits. Pour maintenir sa pureté, l’eau passe à travers une couche de sable et de pierraille. La faiblesse de ce dispositif bien conçu réside dans l’incertitude de l’approvisionnement : le ciel remplira-t-il les citernes ?
En plaine, certaines places fortes s’entourent de douves (encore un renvoi vers un de mes articles). L’eau arrive donc littéralement au pied. En prime, les habitants peuvent y pêcher quelques poissons. Prudence cependant : en phase de siège, les assiégeants cherchent à polluer l’eau par le jet de matières fécales ou de charognes. Dégoûtant, n’est-ce pas ? Justement, parlons propreté.
L’hygiène : l’événement du bain
Sur ce sujet, on peut s’attendre au pire. Cependant, à la suite de l’historien Georges Vigarello, il faut reconnaître la relative propreté des gens du Moyen Âge par rapport aux époques postérieures. Sous Louis XIV, on se méfie de l’eau comme une équipe de déminage autour d’un bagage abandonné.
Les élites médiévales osent se baigner… de temps en temps. Les châteaux sont donc équipés de baignoires. Il faut se les imaginer comme des cuves en bois ; un drap recouvre l’intérieur afin de ne pas être blessé par une écharde. Quelques demeures nobles disposent d’une salle dédiée à la sudation, une étuve, soit une sorte de hammam où les convives prennent un « bain de vapeur ».
Au XVe siècle, le duc de Bourgogne Charles le Téméraire ne peut vivre sans son bain. Lors de ses déplacements, il emporte donc sa baignoire qu’il a fait fabriquer en argent ! À la bataille de Grandson, le fastueux prince perd non seulement le combat, mais aussi sa précieuse baignoire : parvenus jusqu’au camp bourguignon, les Suisses victorieux s’en saisissent comme butin de guerre.
Revenons au château. L’hygiène et le confort dépendent enfin de l’installation de latrines. Un château de haut rang doit en offrir autant que de chambres. Mais je n’approfondis pas le sujet puisque je l’ai fait dans cet article.
Une question d’équipements ?
Le confort d’un château varie d’un lieu à l’autre et d’une époque à l’autre. Au-delà de tous les aménagements cités (fenêtres vitrées, latrines, chauffage au poêle…), le plus important se trouve peut-être dans un critère jusque-là à peine évoqué : la domesticité.
Pour prendre un cas extrême, la reine de France Marie d’Anjou, femme de Charles VII, disposait d’une centaine de personnes sous ses ordres. Parmi lesquelles un chambellan, un sénéchal, des huissiers d’armes, des demoiselles d’honneur, des messagères, des chambrières, des confidentes, des lavandières, un cuisinier… N’importe quel château fort devient hôtel 4 étoiles dès qu’une armée de servantes et de serviteurs est prête à satisfaire vos moindres désirs.
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