Que vous soyez alcoolique, mari jaloux ou propriétaire d’une télévision, sachez qu’un saint ou une sainte vous protège. L’Église catholique en recense des milliers. Leur choix est parfois curieux.
En 1958, le pape Pie XII s’enthousiasme pour cette invention récente qu’est la télévision. Elle « permet en effet de voir et d’entendre à distance des événements à l’instant même où ils se produisent, et cela de façon si suggestive que l’on croit y assister ». Il reconnaît cependant ses méfaits « en raison de l’attraction singulière que [l’écran] exerce sur les esprits à l’intérieur de la maison familiale ». On déplorerait aujourd’hui la même chose de nos téléphones portables. Pour prévenir les dérives, le pape a une solution : attribuer une sainte patronne à la télévision ! Ce sera sainte Claire d’Assise, religieuse du Moyen Âge, qui n’a pourtant pas connu Michel Drucker, Jean-Pierre Foucault et même Léon Zitrone.
Qu’est-ce qui a bien pu se passer dans la tête du pape ? Le cas de sainte Claire d’Assise interroge sur la façon de choisir un saint patron.
Tous les saints sont des patrons
Pour rappel, l’Église catholique reconnaît des saints patrons, c’est-à-dire des saints dédiés à la protection de certains lieux, fidèles ou objets comme on vient de le voir.
Toutes les églises sont patronnées : en France, Notre-Dame (c’est-à-dire la Vierge) et Martin ont eu beaucoup de succès. Les villes, les régions et les États ont aussi leurs saints patrons. Ils peuvent même en avoir plusieurs : la France est par exemple très bien protégée puisque sont invoqués saint Louis, la Vierge, Jeanne d’Arc, Thérèse de Lisieux, saint Michel, saint Martin… Par contre, l’Angleterre ne jure qu’en saint Georges.
Vous-même avez sûrement un saint patron. Il s’exprime à travers votre prénom. C’est un peu votre ange gardien. De là, on peut affirmer que tout saint est saint patron.
Un reflet des peurs anciennes
Les saints veillent aussi sur des groupes particuliers. Je pense, en particulier, aux associations professionnelles médiévales appelées aussi confréries de métier ou corporations. Chaque année, elles célébraient dans une chapelle leur saint patron et participaient aux grandes processions derrière une bannière ornée à son effigie.
En dehors de la sphère professionnelle, des saints sont dédiés à des groupes partageant la même activité (les pèlerins) ou le même problème : les victimes de la gale, les jeunes filles célibataires, les aliénés, les alcooliques… On les prie pour guérir, pour être prémuni contre le mal ou pour être exaucé d’un vœu.
La liste des maux pris en charge par les saints est riche d’enseignement. À travers elle, ressortent les préoccupations des gens d’autrefois. Une multitude de saints — Barbe, Gilles, Martin, Radegonde, Sébastien… – protègent contre les soucis de santé et maladies de toutes sortes (mal de dents, mal de tête, fièvres, peste). Les inquiétudes du monde rural pointent : les protecteurs contre les orages, les tempêtes et la sécheresse abondent. D’où leur présence dans les églises sous forme de statues de dévotion. Enfin, on recense plus de 25 saints connus pour favoriser la fertilité des couples.
Je me suis amusé à chercher les maux plus rares. Vous attendiez-vous à un saint qui vous prémunit de la jalousie conjugale ? Saint Asclipe vous retiendra de tuer l’amant ou la maîtresse de votre conjoint. Contre la paresse, il y a aussi remède : priez saint Cyr et sainte Julitte.
Ils ne le savent pas, même les animaux ont un saint titulaire (vous leur direz). Par exemple, Guy ou Roch pour les chiens et sainte Gertrude pour les chats.
Voir aussi : 10 saints faciles à identifier dans les églises
Comment être promu saint patron ?
Dans un premier temps, le clergé mais aussi les laïcs ont une liberté de choix.
Certains noms coulent de source. Saint Pierre, qui vivait de la pêche sur le lac Tibériade avant de rejoindre le Christ, est naturellement devenu le patron des pécheurs. Le charpentier Joseph, père adoptif de Jésus, a ses ouailles toutes-trouvées. Souvent, on se sert d’un élément biographique du saint pour déterminer ses vertus protectrices. Roch fut atteint par la peste à laquelle il survécut au XIVe siècle. Raison pour laquelle les gens craignant d’être contaminés le vénèrent. Et comme, pendant sa maladie, un chien le nourrit d’un pain chipé, on comprend son lien mentionné plus haut avec les animaux.
Le martyre des saints a beaucoup inspiré les « chercheurs » de patron. Sébastien, victime d’une grêle de flèches, patronne les archers. Devinez qui protège Apolline, martyre à qui les bourreaux ont arraché les dents. Les dentistes bien sûr.
D’autres choix font sourire. Il se fonde sur des jeux de mots. Comme chez saint Vincent. Son nom contient une syllabe en « vin » ; on lui affecta donc les vignerons. Par homonymie, saint Cloud était destiné à être le patron des cloutiers. Saint Loup, par une sorte de pied de nez, devint plus curieusement le patron des bergers. Entre nous, c’est faire entrer le loup dans la bergerie.
Et notre sainte Claire, patronne de la télévision ? Tenez-vous bien : c’est parce qu’un jour, alors qu’elle était malade et alitée, elle réussit à entendre et voir une messe à distance ! Un miracle que permettra effectivement la technique quelques siècles plus tard.
Écologie, photographie : l’actualisation de la liste
Pendant longtemps, il n’y a pas de règles dans la liste des saints patrons. Si bien que des corporations de tonneliers, habitant deux villes voisines, peuvent invoquer des saints tutélaires différents. Des patrons sont même choisis sans avoir été canonisés. Ça fait désordre. En 1630, la papauté met de l’ordre en réglementant. Le clergé et la population locale pourront suggérer des saints patrons mais Rome analysera le dossier (comme dans un procès en canonisation). Désormais, seul le pape approuve les nouveaux élus.
En 1979, Jean-Paul II proclame François d’Assise comme patron des écologistes ! Car ce religieux italien a témoigné toute sa vie son amour pour la nature. Ne parlait-il pas aux oiseaux ?
Cet exemple prouve l’adaptation du Vatican à son époque. J’ai évoqué la télévision ; parlons de l’appareil-photo. Après son invention au XIXe siècle, il faut trouver un protecteur des photographes. Celui qui vous garantit des photos nettes et jolies. Sainte Véronique est choisie. Cette contemporaine du Christ n’a pourtant jamais tenu d’appareil-photo ni eu l’idée de se prendre en selfie. Mais au bord du chemin qui menait Jésus à son lieu d’exécution, elle tenait un linge. Et avec ce morceau de textile, elle essuya le visage du malheureux sali par la sueur et le sang. Miraculeusement, le portrait de Jésus s’imprima sur le linge. Le miracle parla évidemment aux photographes.
Il se murmure que le pape, toujours à la page, recherche un patron des internautes. Vu mon activité intense sur le web, je pourrais y prétendre mais il me manque la canonisation (on me souffle dans l’oreillette que je dois aussi mourir au préalable. Là, c’est trop me demander).
A parcourir : une encyclopédie des saints, Nominis, par la conférence des évêques de France.
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