Les basiliques, des églises mal comprises

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Laurent Ridel

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La définition d’une basilique paraît confuse. Certains avancent que ce sont de grandes églises de pèlerinage. Selon d’autres, le terme renvoie à une architecture particulière : le plan basilical. Enfin, des églises sont présentées tantôt comme des cathédrales, tantôt comme des basiliques. Éclaircissements.

basilique sainte-thérèse de Lisieux
La basilique Sainte-Thérèse de Lisieux, et son campanile.

 Pour faire simple, le terme de basilique recouvre deux définitions principales dans le christianisme :

  • Au sens architectural, il correspond à un édifice particulier par son plan rectangulaire et par sa division en colonnades. La plupart des grandes églises catholiques adoptent cette disposition ou une variante.
  • Au sens du droit canon (religieux), la basilique est un titre honorifique que le pape confère à certaines églises prestigieuses.

Je pourrais m’arrêter là. Cependant cette mise au point pose d’autres questions. Pourquoi les églises ont-elles adopté majoritairement ce plan basilical ? Sur quels critères le Saint-Siège se fonde-t-il pour honorer une église du titre de basilique ? Combien y a-t-il de basiliques dans le monde et en France ? Et qui gagnera les prochaines élections présidentielles américaines ? Vous saurez tout. Enfin presque.

Les premières basiliques chrétiennes

L’an 313 est une date primordiale dans l’histoire du christianisme. L’empereur Constantin rend alors légale cette religion d’origine orientale. Jusque-là, le culte était plus ou moins clandestin et ses adeptes parfois persécutés. Les chrétiens peuvent désormais disposer de lieux de culte officiels. L’empereur favorise lui-même cette promotion en faisant bâtir ou en aidant la construction de trois grandes églises à Rome même : Saint-Pierre, Saint-Jean-de-Latran, Saint-Laurent-hors-les-Murs. Ces 3 édifices sont tous appelés basiliques.

La raison ? Leur architecture s’inspire d’un bâtiment civil connu dans différentes villes de l’Empire : la basilique. Elle sert généralement de marché couvert et de tribunal. On y organise parfois des réunions publiques. Une sorte de couteau suisse du bâtiment ! Certaines demeures aristocratiques comportent aussi une basilique que leur propriétaire utilise comme salle de réception.

basilique sévérienne de Leptis Magna (Libye).
La basilique civile de Leptis Magna en Libye (SashaCoachman pour Wikimedia Commons).

L’empereur, le pape ou les évêques reprennent cette architecture pour une bonne raison.

La basilique, une solution pratique

D’emblée, les premiers chrétiens écartent le modèle des temples romains. Leur configuration n’est pas pratique pour leur culte. Le christianisme a en effet une caractéristique banale à nos yeux, mais révolutionnaire à l’époque : les fidèles sont conviés dans le lieu de culte.

Dans les temples du paganisme, les adeptes se tiennent à l’extérieur lors des cérémonies. Seuls les prêtres entrent dans l’édifice sacré.

Dans les églises chrétiennes, tous les disciples doivent pouvoir pénétrer à l’intérieur pour assister au culte dirigé par le clergé. Il faut donc pousser les murs. Or au temps de l’Empire romain, deux types d’édifices sont particulièrement adaptés à l’accueil de foules : les édifices de spectacle et la basilique civile.

Les premiers (amphithéâtre, cirque…) avaient l’inconvénient de rappeler quelques douloureux souvenirs aux chrétiens : certains s’y étaient fait martyriser ou croquer par des lions. La basilique est donc adoptée.

La basilique, une architecture particulière

Les basiliques antiques sont des bâtiments plutôt rectangulaires, divisés en plusieurs vaisseaux par des files de colonnes. Généralement, on compte trois vaisseaux : une nef centrale, plus élevée, et des bas-côtés. Cette disposition vous est familière. Elle correspond encore aujourd’hui à celles de la majorité des grandes églises catholiques. Un transept ou l’ajout de chapelles sont seulement venus compliquer ce plan de base.

L'ancienne basilique Saint-Pierre de Rome.
L’ancienne basilique Saint-Pierre de Rome. Elle forme un grand hall rectangulaire divisé en une nef centrale et 2 collatéraux de chaque côté. Le toiture est charpentée. Fresque de Domenico Tasselli, représentant l’intérieur de la basilique constantinienne avant sa destruction en 1620.

 Au bout de la basilique, le mur s’incurve pour dessiner une abside semi-circulaire. Dans les basiliques civiles s’y tenait le magistrat chargé de la justice ou l’aristocrate. Les chrétiens détournent son usage pour y placer un autel et y peindre une image du Christ sur la voûte.

Dans les premiers siècles du christianisme (l’époque dite paléochrétienne), les lieux de culte majeurs prennent donc le nom de basilique. Ce n’est qu’à partir du IXe siècle, que le terme « église » (ecclesia en latin) s’impose. La désignation de basilique se restreint alors à quelques monuments particulièrement prestigieux (Saint-Pierre de Rome, la cathédrale de Florence, Saint-Denis…).

À la fin du XVIIIe siècle, la papauté sort cette notion de l’ombre pour lui donner une nouvelle signification.

La basilique, un titre devenu honorifique

Le 6 avril 1892, Mgr Berthet, l’évêque de Gap, dans les Hautes-Alpes, est un homme heureux. La lettre qu’il tient dans les mains, marquée du sceau du Saint-Siège, lui annonce une grande nouvelle :

« Dans l’exercice de notre autorité apostolique, nous enrichissons l’église dont nous avons fait l’éloge du titre de basilique mineure et nous lui conférons tous et chacun des droits, privilèges, honneurs et prérogatives qui lui reviennent ».

En clair, le Saint-Père Léon XIII promeut « basilique mineure » la modeste chapelle Notre-Dame-du-Laus, située dans le diocèse de Gap.

La distinction en tant que « basilique mineure » a été inventée par le pape Pie VI (1717-1799) pour honorer certaines églises particulièrement anciennes ou insignes. Depuis ce pontificat, plus de 1800 églises ont ainsi bénéficié de ce titre dont 173 (9 %) se trouvent en France. La liste ne cesse de s’allonger. Dernièrement, en 2019, le pape François a promu l’église Saint-Bonaventure de Lyon.  

carte des basiliques françaises
Les basiliques mineures en France (selon Gcatholic.org). Cliquez sur la carte pour découvrir celles près de chez vous.

Comment être reconnu basilique mineure ?

Sans jeu de mots, le titre de « basilique mineure » ne tombe pas du ciel. Au préalable, l’évêque doit déposer une demande au Saint-Siège pour qu’une église de son diocèse soit reconnue.

Les candidatures sont étudiées selon des critères assez subjectifs. Si l’église candidate est un grand lieu de pèlerinage, la requête est facilement acceptée. D’où les promotions de Notre-Dame-de-Lourdes en 1874, de Notre-Dame-de-la-Salette en 1879, de Notre-Dame-de-Rocamadour en 1913, de Sainte-Thérèse de Lisieux en 1954…

Sinon le sanctuaire peut revendiquer son ancienneté, la possession de reliques importantes, un culte particulier (l’Immaculée Conception, le Sacré-Cœur de Jésus comme à Montmartre…). Même la beauté du site et la qualité architecturale de l’édifice peuvent entrer en compte. Aux évêques d’être convaincants sur la dignité de leur église. Le site religieux qui coche plusieurs de ces critères augmente bien sûr ses chances.

La basilique Sacré-Cœur de Montmartre, une des 10 basiliques de Paris

Tout type d’église peut prétendre à la distinction, même une chapelle. Ce qui explique que certains monuments portent deux titres. Saviez-vous par exemple que Notre-Dame de Paris était à la fois cathédrale et basilique? C’est même la plus ancienne de France ! Malgré ce titre acquis dès 1805, soit un an après le sacre de Napoléon à l’intérieur, nous continuons à l’appeler cathédrale. Sûrement le poids de la tradition.

Les privilèges d’une basilique mineure

Le titre de basilique assure à l’église une plus grande renommée. Au-delà de cette retombée symbolique, il offre quelques privilèges au sanctuaire. Le Saint-Siège lui remet :

  • Le pavillon pontifical (ou ombrellino), une sorte de parasol à semi-ouvert, aux bandes de toile jaune et rouge, les couleurs du Vatican
  • Le tintinnabule, une clochette fixée à une monture qui porte les armoiries de la basilique

Cherchez-les ! Ces objets sont souvent disposés de part et d’autre du chœur. Sinon, ils sont portés au-devant des processions.

Résumé

Dans les premiers siècles du christianisme, la basilique désignait un édifice dont l’architecture s’inspire de la basilique civile des Romains. Des files de colonnes partagent l’espace en plusieurs vaisseaux, le vaisseau central étant le plus élevé.

Au Moyen Âge, on appelait basiliques quelques monuments chrétiens prestigieux.

Aujourd’hui, une basilique, mineure précisément, est un titre honorifique que le pape attribue à certaines églises en raison de leur importance religieuse (pèlerinage ou autre). Notre-Dame de Paris en est une. On se moquera de vous si vous parlez de la « basilique Notre-Dame de Paris ». Vous n’en aurez pas moins raison !

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L’AUTEUR

Laurent Ridel

Ancien guide et historien, je vous aide à travers ce blog à décoder les églises, les châteaux forts et le Moyen Âge.

Ma recette : de la pédagogie, beaucoup d’illustrations et un brin d’humour.

Laurent Ridel

5 réponses à “Les basiliques, des églises mal comprises”

  1. Avatar de vincent ramnoux
    vincent ramnoux

    Bonjour,
    Article très instructif, comme d’habitude! Je remarque que, alors que l’on emploie toujours l’adjectif roman ou gothique pour désigner l’architecture d’un édifice, et bien c’est son appellation première, si l’on peut dire vraie, qui a finalement disparu. Au point de n’en devenir qu’un titre honorifique.
    Merci de ces précisions, portez-vous bien. Vincent

  2. Avatar de David Gestalder
    David Gestalder

    Bonjour Laurent,
    Superbe article comme à l’habitude. Il serait intéressant de nous expliquer la différence entre une basilique mineure et une basilique majeure.
    On peut lire que le pape Pie VI est l’inventeur du titre de « basilique mineure », mais alors qui est l’inventeur de la « basilique majeure » ?

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      En effet, je ne parle pas de cette distinction. Elle est peu utile pour la France car il n’y a que des basiliques mineures. Je ne sais pas qui a inventé ce titre de basilique majeure. Je pensais Pie VI derrière cela aussi.

      1. Avatar de David Gestalder
        David Gestalder

        En effet, le principe de la basilique majeure ne concerne pas la France. Il n’y a que quatre basiliques majeures dans le monde, toutes situées à Rome et au Vatican :
        1. Basilique Saint-Pierre (Vatican).
        2. Basilique Saint-Paul-Hors-les-Murs (Rome).
        3. Basilique Saint-Jean-de-Latran (Rome).
        4. Basilique Sainte-Marie-Majeure (Rome).

        D’après les recherches que j’ai effectuées, le principe de la basilique majeure a été institué en 1300 par le pape Boniface VIII. L’encyclopédie Wikipédia indique les faits historiques suivants que l’on peut considérer fiables (j’ai croisé avec d’autres sources pour être sûr) :

        « Le concept de basilique majeure est né en l’an 1300, année où le pape Boniface VIII promulgua la bulle d’indiction Antiquorum fida relatio. Il y institua l’Année sainte et précisa les conditions de l’indulgence, parmi lesquelles la visite de deux basiliques de Rome, Saint-Pierre du Vatican et Saint-Paul-hors-les-murs, lieux de sépultures respectives des apôtres saint Pierre et saint Paul.

        Lors du deuxième jubilé en 1350, Clément VI ajouta une troisième basilique majeure, Saint-Jean-de-Latran, cathédrale de Rome, qui porte le titre de omnium urbis et orbis ecclesiarum mater et caput, qui signifie « mère et tête de toutes les églises de la ville et du monde ».

        Enfin, une quatrième fut adjointe lors du troisième jubilé présidé par Boniface IX en 1390 : Sainte-Marie-Majeure. »

        Pour conclure, le titre de basilique majeure a été inventé pour valoriser deux critères de ces quatre basiliques romaines : 1. ce sont des édifices chrétiens édifiés à la demande d’empereurs romains. 2. les quatres édifices désignés par les papes ont des fonctions cléricales très importantes.

        1. Avatar de Laurent Ridel
          Laurent Ridel

          Merci David de nous avoir livré les informations sur un plateau.

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