Les labyrinthes dans les églises : décryptage d’un mystère médiéval

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Laurent Ridel

Depuis le Moyen Âge, des labyrinthes sont figurés dans les cathédrales de Chartres, d’Amiens et d’autres églises. Leur signification reste mystérieuse. Comment ce motif, d’origine païenne, a-t-il été accepté par l’Église ?

Appelé aussi dédale ou chemin de Jérusalem, le labyrinthe est une figure géométrique complexe, conçue pour désorienter celui qui y pénètre. Bien qu’il trouve ses racines dans la mythologie grecque, le christianisme s’est approprié ce motif, lui conférant de nouvelles significations.

En Europe, on dénombre une vingtaine de ces structures dans les églises, principalement en Italie, en France et dans les pays nordiques. Ce chiffre est probablement sous-estimé, une portion significative ayant probablement disparu au fil du temps.

La basilique Saint-Quentin à Saint-Quentin et son labyrinthe dallé
La basilique Saint-Quentin à Saint-Quentin et son labyrinthe dallé (Txllxt TxllxT/Wikimedia Commons)

Carrés, circulaires ou octogonaux, les labyrinthes se différencient aussi par leur support : ils peuvent être intégrés dans le pavage, peints sur les voûtes, sculptés ou même composés de mosaïques.

Leur signification fait l’objet de débats passionnés parmi les spécialistes. Je vous propose de parcourir cinq des interprétations les plus courantes, en y apportant ma propre analyse critique. Vous découvrirez que certaines des théories souvent répétées sur l’usage et la signification des labyrinthes manquent de preuves.

Aux origines antiques du labyrinthe

Je croyais chercher l’origine du labyrinthe dans la mythologie grecque. En réalité, l’historien grec Hérodote décrit un premier labyrinthe en Égypte. Les archéologues l’ont même retrouvé. Il s’agissait d’un bâtiment construit au XIIIe siècle avant J.-C., par le pharaon Amenemhat III. Son architecture consistait en une multitude de cours intérieures, de couloirs et de salles, au-dessus d’un niveau souterrain servant de tombeau. De quoi déjà s’y perdre.

Cependant, chez vous comme chez moi, le labyrinthe évoque surtout le mythe de Thésée et du Minotaure.

Minotaure et Thésée
Thésée tue le Minotaure, monstre mi-homme, mi-taureau. Mosaïque de la villa grecque Kerylos à Beaulieu-sur-Mer (Alpes-Maritimes) (Finoskov/Wikimedia Commons)

Vous vous souvenez sûrement de cette légende grecque. Le roi Minos de Crète fait construire un labyrinthe pour y enfermer le Minotaure, un monstre engendré par sa femme. Tous les neuf ans, le roi sacrifie un groupe de jeunes hommes et de vierges athéniens, qui sont envoyés dans le labyrinthe et invariablement dévorés par la bête. Ce cycle sanglant est finalement brisé par le héros de l’histoire : Thésée. Il réussit à tuer le Minotaure et à s’échapper du labyrinthe grâce au fil d’Ariane, une pelote de laine qu’il a déroulée depuis l’entrée du labyrinthe.

Ce mythe connaît une incroyable fortune dans l’Antiquité. Les œuvres classiques romaines comme l’Énéide de Virgile et les Métamorphoses d’Ovide le reprennent. Dans les villas et les bains de l’Empire romain, les sols se recouvrent parfois de mosaïques sur ce sujet.

labyrinthe villa
Labyrinthe d’une villa romaine à Rome (Carole Radato/Wikimedia Commons)

En revanche, aucun labyrinthe ne décore un temple ou un quelconque lieu du paganisme. Les chrétiens ont une autre vision…

Un recyclage par le christianisme

Au cours de son expansion, le christianisme intègre le motif du labyrinthe et lui confère une signification plus profonde, cosmique et religieuse. Tout comme le zodiaque, le labyrinthe dans les églises est une réinterprétation d’un thème antique, transformé pour se conformer à une perspective chrétienne.

La première instance de cette adoption apparaît très tôt, peu après la légalisation du christianisme par l’Empire romain. On la trouve dans un pays inattendu : l’Algérie. Mais au IVe siècle, l’Algérie faisait partie de la province romaine d’Afrique ; c’était une région en voie de christianisation et non islamisée. En 324, l’église Sainte-Réparate d’El-Asnam accueille en effet une mosaïque représentant un labyrinthe de forme carrée. En son centre, sont inscrits les mots « Sancta Eclesia ». Le chemin tortueux ne mène plus au combat du Minotaure contre Thésée, mais à la Sainte Église. 

Cependant, malgré cet exemple précoce, on ne trouve plus aucune autre occurrence de labyrinthe dans les églises pendant près de 800 ans. Cela ne signifie pas l’oubli du concept. Au contraire, le labyrinthe survit dans les manuscrits médiévaux. Des moines et intellectuels y mentionnent le mythe de Thésée et du Minotaure. Des enlumineurs peignent parfois des labyrinthes.

labyrinthe sur manuscrit
Ce manuscrit fabriqué au IXe siècle, le Liber evangeliorum d’Otfrid de Wissembourg, est une étape importante dans l’élaboration du dessin du labyrinthe : pour la première fois, il présente 11 spirales. Or, comme on va le voir, ce chiffre pourrait être symbolique (Bibliothèque nationale de Vienne)

Au XIIe siècle, les dédales entrent à nouveau dans les églises. Le phénomène s’observe principalement en France et en Italie. Les cathédrales d’Amiens, de Reims et de Chartres inscrivent le leur dans des pavages bicolores.

Significations et usages des labyrinthes

Qu’est-ce qui motive l’Église à insérer des labyrinthes à l’intérieur des lieux de culte ? Les historiens, les archéologues, les historiens de l’art, les amateurs de symboles, les passionnés d’ésotérisme, tous se sont emparés de la question sans se rallier à une explication commune.

Selon les lieux, le labyrinthe revêt, semble-t-il, des significations et usages différents. Certains sont monumentaux ; d’autres sont inférieurs à un mètre de diamètre. Certains intègrent des figures ; d’autres se contentent de montrer la géométrie parfaite de leur dessin compliqué. 

Auteur du livre The Maze and The Warrior (Le Labyrinthe et le guerrier), le musicologue Craig Wight (oui, même les musicologues s’y intéressent), tente toutefois une synthèse : dans tous les cas, le labyrinthe symbolise un défi qu’un homme — Thésée, le Christ, le pèlerin — relève en son centre et en sort victorieux.

Voici 5 hypothèses, plus ou moins solides, qui permettent de comprendre les labyrinthes.

Hypothèse 1 : la signature des bâtisseurs

Le labyrinthe correspond à une signature des architectes et des commanditaires de la cathédrale. La figuration de ces personnages à l’intérieur des labyrinthes d’Amiens et de Reims (détruit) conduit vers cette hypothèse.

Les bâtisseurs se voyaient comme les héritiers de Dédale, l’architecte grec du labyrinthe de Cnossos. À leurs yeux, la construction d’une cathédrale était comparable à la conception d’un labyrinthe. Dans les deux situations, la maîtrise de la géométrie est requise.

labyrinthe d'Amiens
L’évêque Evrard de Fouilloy et les 3 premiers architectes se partagent la pierre centrale du labyrinthe de la cathédrale d’Amiens. L’original est conservé au musée de la ville.

Un tel motif glorifiait les créateurs de ces grandes églises et rendait aussi hommage à la science de l’architecture et de la géométrie.

Mon avis : je suis favorable à cette interprétation. La localisation fréquente de ces labyrinthes dans la nef et non dans le chœur, espace des clercs, invite à donner un sens plus laïque que religieux à ces motifs. Mais l’explication ne fonctionne peut-être pas pour tous.

Hypothèse 2 : le symbole d’un monde dévoré par le péché

Dans certains labyrinthes de papier et de pierre, le centre est occupé par le Minotaure tué. Même dans un contexte chrétien, la légende grecque n’est donc pas occultée. Mais il faut la lire selon une symbolique chrétienne.

Par sa forme ronde, le labyrinthe représente le monde. Comme l’illustrent ses méandres, les tentations qui dévient le chrétien du salut y sont nombreuses. Au centre, le Minotaure est une sorte de Satan qui dévore les pécheurs. Le caractère mauvais de ce monde est renforcé par le nombre de lacets, souvent 11. Or ce chiffre, depuis saint Augustin d’Hippone, est associé à l’imperfection. Il dissone avec le 12, chiffre idéal d’un groupe (pensez aux apôtres, au zodiaque ou aux mois).

labyrinthe Chartres
La labyrinthe de la cathédrale de Chartres. Il se divise en 4 quartiers. Dans chacun le chemin dessine 11 spires.

Heureusement, le Christ, nouveau Thésée, peut sauver les hommes qui évoluent dans ce labyrinthe. Il est descendu sur Terre racheter les péchés de l’humanité et sa résurrection est une victoire sur la mort, en écho de celle du héros grec sur le Minotaure.

Mon avis : le symbolisme chrétien se fonde souvent sur des analogies, surtout quand il s’agit de recycler un thème païen. Donc, là aussi, l’explication me séduit. Elle entre en résonance avec l’hypothèse 5.

Hypothèse 3 : Un chemin de Jérusalem

En 1187, les chrétiens doivent abandonner Jérusalem aux musulmans qu’ils avaient reconquis à l’issue de la Première croisade. Les pèlerins ne peuvent plus se rendre dans la ville sainte et suivre les étapes géographiques de la Passion du Christ.

Selon l’historien Daniel K. Connolly, l’idée germe à Chartres de créer un substitut à ce pèlerinage perdu. Il prend la forme d’un labyrinthe établi dans la nef de la cathédrale. Les fidèles le parcourent à genoux en mémoire du trajet douloureux du Christ que subit le Christ de la maison de Ponce Pilate jusqu’au lieu de sa crucifixion. L’effort n’est pas négligeable puisque le parcours, aussi sinueux qu’une route de montagne, fait 261 m.

À Reims aussi, la pratique semble établie puisque le labyrinthe est qualifié de « chemin de Jérusalem ». À Amiens, l’historien de l’art Philippe Plagnieux explique : « parcouru à genoux pendant les grandes fêtes, il pouvait être le support de pratiques pénitentielles ».

Mon avis : Je me range à l’analyse de Patrick Demouy, autre historien de l’art et grand connaisseur de la cathédrale de Reims : « Ce n’est qu’à la fin de son existence, au XVIIIe siècle, que le labyrinthe de Reims, par exemple, est qualifié de chemin de Jérusalem. Et c’est surtout au XIXe siècle que s’est répandue l’idée de pieux fidèles parcourant le chemin à genoux ». Même constat à Chartres où le guide-conférencier Gilles Fresson constate qu’aucun texte ancien, antérieur au XVIIIe siècle, n’appuie cette thèse d’une dévotion pénitentielle et individuelle sur ces labyrinthes.

Enfin, la petitesse de certains labyrinthes, notamment en Italie, empêche ce genre de pratique. On ne s’abimait pas les genoux dessus.

intérieur cathédrale de Chartres
A l’intérieur de la cathédrale de Chartres, des hommes et des femmes semblent suivre les lignes du labyrinthe sans toutefois s’agenouiller. Gravure de J.-B. Rigaud, XVIIIe siècle.

Hypothèse 4 : Un chemin initiatique vers le salut

Selon ce point de vue, le labyrinthe chrétien symbolise le parcours de l’existence. « Le fidèle hésite, avance, revient en arrière, se perd pour enfin trouver le chemin », explique le professeur Michel Feuillet. L’historien de l’art Philippe Plagnieux renchérit : « il symbolise la complexité du chemin vers le salut, mais nulle bifurcation ne piège le pèlerin ». L’issue est inéluctable. Le centre serait la Jérusalem céleste promise à tous les élus.

labyrinthe reims
Reconstitution du labyrinthe disparu de Reims (sans ses effigies). Aucun risque de s’y perdre.

Mon avis : Je suis réservé sur cette explication. Oui, le chemin est tortueux et long, mais, regardez bien les labyrinthes chrétiens, ils ne conduisent nullement vers des impasses, ils ne proposent pas de fausses pistes. Autrement dit, le fidèle n’a aucune chance de s’égarer. Est-ce une métaphore de la vie ?

Hypothèse 5 : le support d’un rituel à Pâques

À Auxerre, lors de la fête de Pâques, les chanoines se livraient à une drôle de chorégraphie : autour du labyrinthe de la cathédrale, ils formaient une ronde et chantaient. À l’intérieur du cercle, leur chef, le doyen, parcourait le labyrinthe selon un pas rythmé et jetait un petit ballon jaune — une pelota — à un chanoine.

La scène peut sembler surréaliste, mais elle est décrite dans un texte liturgique de l’an 1396. Les historiens découvrent des danses ou des jeux de ballon pratiqués par le clergé dans les églises. Preuve que l’Eglise pouvait les accepter dans un certain cadre.

Que signifie cette drôle de chorégraphie dans la cathédrale d’Auxerre ? Le guide-conférencier de Chartres Gilles Fresson l’interprète ainsi :

« le Christ (Thésée) traverse les enfers (le labyrinthe) et affronte Satan (le Minotaure). Triomphant ainsi des puissances de la mort, il offre sa lumière (jaune) à tous ceux qui l’ont attendu : soit un chemin sûr (le déroulement de la pelote) vers la vie éternelle ».

À Reims, un récit décrit un autre rituel qui intégrait le labyrinthe ; les clercs formaient une ligne de la grande porte à l’entrée du chœur ; le labyrinthe se trouvait sur le parcours. Les clercs chantaient la sortie d’Égypte par les Hébreux et la Résurrection.

Le labyrinthe convient parfaitement à la symbolisation de ces deux épisodes forts de l’histoire biblique : son chemin enlacé équivaut à la longue route de l’exode des Hébreux sous la conduite de Moïse pendant que le combat gagnant de Thésée rappelle la victoire du Christ sur la mort, soit la Résurrection.

Mon avis : en tant qu’historien, je suis sensible à cet argument appuyé sur des textes d’époque. L’usage de certains labyrinthes comme support de rituel ne fait donc aucun doute. L’historien américain Daniel K. Connolly prévient cependant que ces preuves écrites sont tardives. À l’origine, les labyrinthes avaient peut-être une autre fonction. L’université Loyola de Chicago le suggère : « il est curieux que de si grands objets [les labyrinthes] ne servent qu’une fois par an ». Zut, moi qui rêvais d’avoir découvert l’explication unique.

Le labyrinthe dérange puis fascine

La mode des labyrinthes s’essouffle assez vite, dès la fin du Moyen Âge. Puis leur sens se perd. D’où nos difficultés à les comprendre aujourd’hui.

À partir du XVIIIe siècle, des églises réaménagent leur sol, retirant les pierres tombales et les pavages de labyrinthes. Les chanoines, dérangés par les distractions provoquées par ceux qui en parcourent les lacets, accélèrent les opérations. Des fidèles, notamment des enfants, s’amusent en effet à tourner et à courir sur les lignes du labyrinthe pendant les cérémonies religieuses.

En 1778, à Reims, le chanoine Jacquemart est prêt à débourser 1000 livres pour qu’on enlève le labyrinthe de la cathédrale. Ce sera chose faite.

Incompris, les labyrinthes disparaissent…

Mais très vite ils renaissent. Le labyrinthe de la cathédrale d’Amiens, retiré en 1825, est recomposé soixante-dix ans plus tard. Les cathédrales de Saint-Omer et d’Évry, la basilique Notre-Dame de Guingamp s’en dotent.

Labyrinthe d'Amiens
Le labyrinthe de la cathédrale d’Amiens, reconstitué en 1894

Ce motif vieux de plus de 2000 ans, retrouve du sens : il décore géométriquement le sol ; il devient métaphore de l’itinéraire spirituel, un chemin de vie au cours duquel le chrétien médite pour arriver à l’éveil.

En même temps, la France républicaine trouve encore matière à le recycler. Depuis 1985, le ministère de la Culture s’en sert en effet de logo pour les Monuments historiques. Les pancartes touristiques l’incorporent. Résultat, on n’a jamais vu autant de labyrinthes. Quel destin pour la prison du Minotaure !

logos monuments historiques
Le logo des Monuments historiques est une réplique en rouge du labyrinthe de Reims, à qui on a appliqué une rotation de 45° et supprimé les personnages. À droite, la version bronze désigne les sites patrimoniaux remarquables (centres-villes, quartiers ou villages).

Où trouver des labyrinthes ?

Les labyrinthes ne se limitent pas à la France. On en recense en Italie et dans quelques pays européens.

Les labyrinthes français

Ils se concentrent dans la moitié nord de la France. On peut même être plus précis : à l’exception de quelques cas, ils se rassemblent dans les archidiocèses de Sens et de Reims. Cette répartition a sûrement une signification. A mon avis, les cathédrales d’Amiens, de Chartres voire d’Auxerre, toutes sises dans ces vastes circonscriptions, ont lancé une mode que les cathédrales et églises voisines ont copiée.

Les labyrinthes français se distinguent par leur grande taille (un diamètre autour de 10 m) et par leur forme (un damier de pavés blancs et sombres).

Cathédrale de Chartres. Édifié entre 1205 et 1210, il est sûrement le plus connu au monde. De forme circulaire, il se divise en quartiers, ébauchant la forme d’une croix. Ses dimensions sont exceptionnelles : dans ce cercle de 13 m de diamètre serpente un parcours de 261 m de long. Le site web de la cathédrale de Chartres prévient les visiteurs prêts à suivre ses lacets : il est interdit de marcher pieds nus et de s’arrêter.

Le labyrinthe de la cathédrale de Chartres
Le labyrinthe de la cathédrale de Chartres

Cathédrale de Reims. Le labyrinthe, créé au XIIIe siècle et détruit en 1779, était composé de pierres noires incrustées dans le dallage du sol. Heureusement, son dessin est connu par un relevé au XVIe siècle qui montre une forme octogonale, complétée de bastions aux angles. À l’intérieur de ces bastions se trouvaient les figures des 4 architectes. L’octogone rappellerait la forme des fonts baptismaux, fonts dans lesquels Clovis fut baptisé.

La labyrinthe de Reims
Le dessin du labyrinthe de Reims nous est notamment connu par ce relevé du XVIe siècle par l’organiste Jacques Cellier (ms Français 9152, folio 77r, BNF)

Cathédrale d’Amiens. Comme à Reims, il fut créé au XIIIe siècle puis détruit (en 1825). On le regretta. De la réfection du dallage au XIXe siècle, on profita pour le récréer. Les 3 premiers architectes Robert de Luzarches, Thomas de Cormont et Renaud de Cormont et l’évêque fondateur, Evrard de Fouilloy, occupent la pierre centrale, conformément à la disposition d’origine.

Basilique de Saint-Quentin (Aisne). Son labyrinthe est posé vers 1495 dans la nef. Il est copié sur l’octogone d’Amiens. Manquent cependant les personnages.

Cathédrale de Bayeux (Calvados). De dimension modeste, il se distingue par sa localisation dans la salle du chapitre (salle de réunion des chanoines). Il ne servait donc sûrement pas pour les pèlerins.

labyrinthe de Bayeux
Bayeux, le seul labyrinthe normand, a une forme octogonale.

Eglise Saint-Pierre de Genainville (Val-d’Oise). Une dalle en pierre, datée du XIIIe siècle, est gravée d’un labyrinthe qui ressemble à celui de Reims, en taille réduite.

Abbatiale de Saint-Bertin à Saint-Omer (Pas-de-Calais). De forme carrée, il occupait le transept sud depuis sa création probablement au XIVe siècle. Le parcours dessine une petite croix. Il est détruit, mais une copie en dallage est visible dans le chœur de la cathédrale de Saint-Omer depuis le XIXe siècle.

Le labyrinthe disparu de l’abbatiale Saint-Bertin. 2401 carreaux le composaient.

Cathédrale d’Arras. Localisé dans la nef, ce labyrinthe ressemblait à l’octogone d’Amiens. Il est détruit autour de la Révolution.

Cathédrale d’Auxerre. Il a disparu lors du changement du sol en 1690.

Cathédrale de Sens. Labyrinthe supposé de type chartrain, disparu au XVIIIe siècle

Cathédrale de Poitiers. Mal daté, ce graffiti dessiné sur un mur ressemble à un arbre. Est-ce vraiment un labyrinthe ?

labyrinthe poitiers
Dessiné sur le mur nord de la nef, le labyrinthe de Poitiers ne peut pas être foulé.

Cathédrale de Mirepoix. Au-dessus du porche septentrional est aménagée une tribune à usage de chapelle épiscopale. Cette chapelle de la première moitié du XVIe siècle est tapissée d’un carrelage en faïence. Sur un groupe de 4 carreaux, figure un labyrinthe dont le Minotaure occupe le cœur.

Basilique de Guingamp. Son labyrinthe circulaire est créé au XIXe siècle dans une chapelle. La pierre centrale est marquée des lettres « AVE MARIA ».

Église Sainte-Foy-de-Sélestat (Bas-Rhin). En 1892, on décora le sol de pavements de mosaïque représentant un labyrinthe octogonal, les 4 fleuves du paradis et le zodiaque.

Eglise Sainte-Jehanne du Passage d’Agen (Lot-et-Garonne). Dans cette église moderne (années 1960), l’évêque a voulu faire figurer un labyrinthe à l’entrée de la nef. Il est circulaire et carrelé.

Cathédrale d’Évry. C’est un labyrinthe moderne.

Les labyrinthes italiens

À la différence des cas français, ils sont petits. Composés de marbres ou de mosaïques, ils mettent plus en avant Thésée et le Minotaure.

Cathédrale de Lucques. On le qualifie de « labyrinthe digital », car sa petite taille et sa position verticale obligent à le parcourir avec les doigts. Une inscription en latin dit : « C’est le labyrinthe que bâtit le crétois Dédale, duquel personne, une fois entré, ne put sortir excepté Thésée, aidé du fil d’Ariane ». Le sens païen est donc mis en avant.

labyrinthe de Lucques
Le labyrinthe de Lucques est aujourd’hui posé verticalement. On ne marche pas dessus (Myrabella/Wikimedia Commons)

Basilique San Michele Maggiore à Pavie. Ce labyrinthe du XIIe siècle en mosaïque figurait Thésée et le Minotaure. Sur le côté, Goliath et David faisaient pendant. De style chartrain, il fait 3,3 m de diamètre. Installé dans le chœur, il est amputé. On ne voit même plus son centre. Un dessin du XVIe siècle existe heureusement.

Abbatiale Saint-Pierre de Pontremoli. Ce labyrinthe en bas-relief ne se trouve plus à son emplacement d’origine. Une inscription curieuse en latin « Cours pour gagner » ferait allusion à un verset de la lettre de saint Paul aux Corinthiens.  

Basilique Saint-Vital de Ravenne. Peut-être installé tardivement, dans les années 1538-1539, il reproduit un labyrinthe plus ancien. Il est relié à une autre mosaïque, l’Agneau mystique. Le labyrinthe serait alors les limbes dans lesquels le Christ serait descendu pour libérer les âmes.

Eglise Saint-Savin de Plaisance. Consacré en 1107, ce labyrinthe aujourd’hui détruit ressemblait à celui de Pavie. Dommage il était peut-être le plus ancien du monde chrétien européen.

Église Santa-Maria in Aquiro, Rome. Labyrinthe en marbre, détruit lors des rénovations du XIXe siècle. 

Église Santa-Maria in Trastevere, Rome. Son identification comme labyrinthe est débattue.

Les autres labyrinthes en Europe

  • Église Saint-Séverin de Cologne (Allemagne), XIe siècle ou XIIIe siècle, détruit en 1840 lors d’un réaménagement intérieur. Sa pierre centrale, conservée au musée, figure Thésée tuant le Minotaure
  • Basilique Notre-Dame de Hanswijk (Belgique). Labyrinthe carré, en dallage, daté probablement du XIXe siècle.
  • Église Saint-Nicolas d’Itero de la Vega (Espagne). Dans le mur de cette église romane, est encastrée une pierre décorée d’un graffiti de labyrinthe. Le lieu se trouve sur une voie de pèlerinage vers Saint-Jacques de Compostelle.

Étrangement, l’Angleterre a boudé la mode des labyrinthes dans les églises. Par contre, les Anglais en ont dessiné sur l’herbe à proximité des églises. J’en ai trouvé quelques-uns en pierre mais récents. La cathédrale d’Ely accueille le sien depuis le XIXe siècle. En 2013, la cathédrale de Wakefield a orné le sol de sa nef d’un labyrinthe circulaire. De même en 2009 le prieuré de Boxgrove.

Les pays nordiques sont la terre méconnue des labyrinthes. On en recense 10 au Danemark, tous peints, dont 6 disparus ou recouverts. Ils appartiennent au XVe siècle.

labyrinthe scandinave
À Hesselager (Danemark), le labyrinthe, peint sur la voûte, est accompagné du millésime 1445 ou 1485, d’une invocation à la Vierge et de croix-compas (Hans A. Rosbach/Wikimedia Commons

En Suède, signalons le labyrinthe de style chartrain de Grinstad (XIIIe siècle). On trouve enfin quelques exemples, associés avec des bateaux, en Finlande, à la fin du Moyen Âge.

Les labyrinthes sont vraiment un sujet international.

Prolongez la liste en commentaire, au cas, où malgré mes recherches, il m’en manque.

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L’AUTEUR

Laurent Ridel

Ancien guide et historien, je vous aide à travers ce blog à décoder les églises, les châteaux forts et le Moyen Âge.

Ma recette : de la pédagogie, beaucoup d’illustrations et un brin d’humour.

Laurent Ridel

43 réponses à “Les labyrinthes dans les églises : décryptage d’un mystère médiéval”

  1. Avatar de Daniel
    Daniel

    Comme toujours , une étude très poussée et objective, bravo et merci

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Oui, l’article est long. Sur Internet, le sujet est soit trop brièvement traité, soit désorganisé, soit assez partial. Votre commentaire me dit que je suis la bonne voie.

  2. Avatar de de LASSUS Louis
    de LASSUS Louis

    Une toute petite réflexion, hormis à Bayeux où ilest en pierre noire, le chemin est en pierre blanche. Du moins sur les photos que vous présentez.
    Cela a t-il une explication ?

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Je n’avais pas remarqué. Bien vu. Je n’ai pas d’explication.

  3. Avatar de Claeys Jean-Marc
    Claeys Jean-Marc

    👍

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      🙂

  4. Avatar de vincent ramnoux
    vincent ramnoux

    Un sujet vraiment très intéressant! Merci.
    Cordialement, Vincent

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Le sujet a son parfum de mystère, dont intéressant à lire et à traiter. Merci de votre passage.

  5. Avatar de Alain-François
    Alain-François

    Merci pour cet exposé clair et concis. N’oublions pas que pour aller plus loin il y a le formidable livre de Jacques Attali « Chemins de sagesse- Traité du Labyrinthe » (éditions Fayard 1996). On le trouve aussi en livre de poche. Jacques Attali y aborde en 150 pages tous les aspects, origines et significations des labyrinthes sur tous les continents et à toutes les époques. Par ailleurs, si nous n’avons pas le temps d’aller cheminer à genoux sur le labyrinthe de Chartres, on peut toujours jouer au jeu de l’oie . Spirale enroulée vers l’intérieur et comportant un certain nombre de pièges, le jeu de l’oie peut être assimilé à une recherche. L’origine du jeu de l’oie viendrait de l’Inde antique : ce serait « un symbole ludique de la “roue de la naissance et de la mort” » et comme le labyrinthe chaque étape peut-être un piège dans notre évolution, notre vie, avant d’atteindre la Jérusalem Céleste. Merci encore Laurent de nous amener à réflechir.

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Soulagé que vous estimez concis cet article de plus 3500 mots. 🙂

  6. Avatar de Fretigny
    Fretigny

    Les articles sont toujours très intéressants.
    Merci

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Merci pour votre fidélité.

  7. Avatar de Dominique Reyes
    Dominique Reyes

    C’est un travail remarquable, concis et précis et vos analyses sont pertinentes.
    Je suis à Bayeux la semaine prochaine pour sa célèbre tapisserie et j’espère que la salle des chapitres est accessible au public et voir son labyrinthe.
    Merci Laurent et bravo pour tout ce que vous partagez avec nous.

  8. Avatar de bois
    bois

    Bonjour, petite erreur concernant la localisation de la ville de Beaulieu sur mer, elle se trouve dans le Alpes Maritimes et non pas dans le var (Thésée tue le Minotaure, monstre mi-homme, mi-taureau. Mosaïque de la villa romaine Kerylos à Beaulieu-sur-Mer (Var) (Finoskov/Wikimedia Commons).

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Merci. Je corrige.

  9. Avatar de WAUQUIER
    WAUQUIER

    Bravo pour cet article très complet sur le sujet. Félicitations aussi pour avoir cité les écrits de Gilles Fresson, historien ‘érudit’, que j’ai pu croiser plusieurs fois lorsqu’il faisait vivre avec talent l’approche culturelle de la cathédrale de Chartres. Et bonne continuation pour les autres thèmes futurs

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Gilles Fresson connait bien le sujet car il a régulièrement lu et partagé tout ce qui était publié sur le labyrinthe de Chartres.

      1. Avatar de WAUQUIER
        WAUQUIER

        Malheureusement pour nous Gilles FRESSON ne fait plus d’activités pour le compte de la Cathédrale, depuis 2 ou 3 ans, pour des raisons qui n’ont pas été explicitées. C’est d’autant plus intéressant de nous avoir communiqué aujourd’hui ses écrits : même n’habitant pas à proximité de Chartres, j’ai eu la chance, avant les évènements du confinement, de le croiser et d’être admiratif sur sa profondeur historique . Merci encore pour ces explications sur les labyrinthes, cdlt, Bernard

        1. Avatar de Laurent Ridel
          Laurent Ridel

          En effet, il n’est plus le coordinateur de la cathédrale mais il continue les visites en tant que guide conférencier.

  10. Avatar de Laeremans
    Laeremans

    Très bel article qui m’incite à encore plus ouvrir les yeux lors de mes visites

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Malheureusement vous aurez beau ouvrir l’oeil André, les labyrinthes sont rares.

  11. Avatar de Christophe LEFEBVRE
    Christophe LEFEBVRE

    Passionnant. Toujours un plaisirs de vous lire!
    Merci pour le partage.

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Je suis content que, malgré sa longueur, cet article reste agréable à lire pour vous.

  12. Avatar de J. Robert
    J. Robert

    Super article !
    Très intéressant comme toujours et très recherché !
    10/10 !

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Je vise le 20/20 la prochaine fois 🙂

  13. Avatar de Schaedgen
    Schaedgen

    je suis allée dernièrement à Amiens et je suis déçue de savoir que ce n’est pas le labyrinthe d’origine !!!! mais la personne chargée d’éclairer notre lanterne sur bien des choses concernant la cathédrale , nous a dit que le labyrinthe représentait le déroulement de la vie avec ses embûches , ses détours et parfois ses chemins sans issue ; bien sûr on peut en faire un tel symbole , pourquoi pas , mais je pense que le sens en est beaucoup plus profond que ce cheminement
    Je n’ai pas encore eu le temps de tout relire de cet exposé et des annexes que tu y as répertoriés ; le mauvais temps va pouvoir être un atout pour le faire ! bonne soirée et à bientôt

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Il est quand même très ressemblant. Les personnages du centre étaient toutefois en cuivre.

  14. Avatar de Nux
    Nux

    Article suffisamment détaillé pour aiguiser ma curiosité. J’ai eu l’occasion de visiter la villa Kerylos il y a une vingtaine d’années, je n’ai pas prit le temps de me poser de questions sur sa signification. C’est bien dommage…….

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      De même, je suis passé à côté de choses parce que personne ne m’avait éclairé dessus.

  15. Avatar de chabanis
    chabanis

    Dommage de ne pas pouvoir joindre de photos, j’aurais publié un labyrinthe du XIIIe siècle de la cellule d’une Sainte visitée par la Reine Adèle et que l’on a retrouvé il y a un peu plus d’un siècle et dont la lecture est différente de celles proposées.

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Merci pour l’info. Où se trouve ce labyrinthe ?

  16. Avatar de Yves Gille
    Yves Gille

    Si je puis me permettre, je vous conseil de réserver le mot « Église » à la 1° définition de l’académie (et de bien d’autres) : Communauté organisée de personnes professant la même foi chrétienne et observant les mêmes rites. L’Église primitive. L’Église universelle. Histoire de l’Église. Les Pères de l’Église. C’est en ce sens qu’on peut dire dans le crédo que l’Église est sainte.
    Comme ce n’est, à l’évidence, pas la « communauté organisée de personnes professant la même foi » qui a décidé de l’utilisation de labyrinthes dans les églises. Il me semble préférable d’utiliser le mot « clergé »… et la tout le monde sait qu’il n’est pas « saint » puisque composé d’Hommes donc, par nature, pécheurs.
    Bon, c’est peut-être pas fondamental…

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      En effet, clergé est moins ambigu que Église.

  17. Avatar de LLORCA Serge
    LLORCA Serge

    Dans l’Ariège, à Mirepoix, au centre de la Grand’Place, la cathédrale Saint-Maurice, dont la nef, qui a une portée de 22 mètres, est l’une des plus vastes de France. L’une des chapelles (Chapelle Ste Agathe) abrite un pavement de faïence vert et jaune, orné en son centre d’un labyrinthe circulaire, – le dernier, dit-on, qui fut jadis posé au sol dans une église d’Occident. Au centre du labyrinthe, on reconnaît le Minotaure. Ce tracé est semblable à celui de Villard de Honnecourt…. Pour info Photo libres sur la toile

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Il est déjà dans la liste 🙂

  18. Avatar de Dr Th Grenade
    Dr Th Grenade

    Après avoir lu votre article les labyrinthes , plus besoin de fil comme Thésée pour y voir plus clair….et trouver son chemin enfin presque….
    merci pour ces explications.

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Ariane m’a sûrement prêté sa pelote 🙂

  19. Avatar de Sylvaine OGIER

    Bonjour, merci pour tous vos articles que je lis avec attention et délectation. Je suis bénévole à l’accueil de la cathédrale de Vence (06 Alpes Maritimes) et vous y accueillerai un jour avec plaisir. Je vous informe qu’un livre vient de paraître (Juin 2023) sur les stalles de notre cathédrale. Il comporte une partie descriptive et une autre sur le sens ésotérique des miséricordes. Notre cathédrale la plus petite de France et l’une des plus anciennes, le premier évêque était présent vers l’an 363. 79autres ont suivi jusqu’à la révolution. 4 sont devenus saints, 1 est devenu pape (Paul III) et 2 autres sont devenus académiciens, dont l’un des fondateurs de l’académie française, Monseigneur Godeau. Je donne tous ces détails pour vous inciter, ainsi que vos lecteurs- à venir la visiter. Et je finirai par une question: à quand un article sur les stalles des cathédrales (ou basiliques ou églises) ?

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Merci pour cette invitation. Je connais un peu la cathédrale de Vence car sujet d’une de mes vidéos : https://youtu.be/CSccYZZdcKw Désolé, c’est loin d’être la plus petite de France.
      Les stalles sont un bon sujet en effet. Je le traite dans une autre vidéo : https://youtu.be/8CT-ZBKNV64

  20. Avatar de TRÈDEZ Christian
    TRÈDEZ Christian

    Très bel exposé et très complet, merci

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Merci. La complétude n’est pas de ce monde.

  21. Avatar de Gilbert LAMBELET
    Gilbert LAMBELET

    Exposé passionnant! Merci et félicitations!

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Merci d’avoir laissé ce sympathique message.

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