Les gens dormaient-ils assis autrefois ?
Dans les châteaux, beaucoup de guides le répètent : les lits sont petits parce que jadis les propriétaires adoptaient une posture assise durant leur sommeil. Une affirmation qui m’a toujours semblé douteuse. J’ai donc mené mon enquête. Ma conclusion : ce n’est pas si simple.

Il y a un mois, je visite un château d’Aquitaine, en compagnie d’autres curieux et curieuses. La guide nous fait entrer dans une chambre. Nous nous plaçons devant le lit.
- « Pourquoi est-il si petit ? » lance notre hôtesse.
- « Parce que les gens étaient autrefois petits ! » répond un visiteur. La guide acquiesce.
- « Oui, mais pour quelle autre raison ? » Silence dans le groupe jusqu’à ce qu’une femme ose prendre la parole :
- « Parce qu’ils dormaient assis ».
La guide paraît enchantée de l’explication et le reste du public adhère d’un hochement de tête.
Quant à moi, je suis consterné : je viens d’entendre une série de clichés entretenus par la guide d’un des châteaux les plus visités d’Aquitaine.
De retour chez moi, fort de ma bibliothèque et de mon ordinateur connecté à Internet, je compte bien voler dans les plumes de ces légendes. Je feuillette mes livres ; je fais défiler les pages web. Problème : la tâche de démolition s’avère plus compliquée que je ne le pensais.
Dormir allongé : la preuve par l’image
Je commence par chercher des preuves visuelles. Ma première idée est d’explorer les enluminures médiévales. Méthode que j’ai déjà appliquée sur l’aspect des châteaux forts. Dans les manuscrits, je ne doute pas de trouver des intérieurs de chambre.
En effet, dans les Bibles, les vies de saints, les histoires antiques et les romans de chevalerie, les enlumineurs ont peint des lits avec des gens dedans. Et même des centaines de lits de toutes sortes. Il y a en a plus que dans le catalogue Conforama.
Voici quelques modèles.



Vous en conviendrez : les dormeurs de ces miniatures reposent dans le lit comme vous et moi.
Une évidence à mes yeux. Dormir assis ? Quelle idée saugrenue ! Je me souviens avoir dormi une nuit dans un fauteuil. Deux remarques : on y dort mal et votre corps est endolori au matin. Expérience à ne pas recommencer. Je suppose que les habitants d’autrefois s’en gardaient bien.
Dormir assis : la preuve aussi par l’image
Cependant, comme beaucoup, mon cerveau me joue des tours parfois. Il faut s’en méfier. Connaissez-vous le biais de confirmation, ce travers du raisonnement ? Vous retenez tous les faits qui accréditent votre hypothèse sans tenir compte des contre-exemples. Beaucoup de chercheurs tombent dans ce piège, mais ils guettent chacun d’entre nous.
Lesquels d’entre vous pensent, par exemple, que la société actuelle est de plus en plus violente ? Il suffit de visionner les journaux télévisés pour le croire : manifestations qui tournent à la guérilla face aux forces de l’ordre, règlements de compte à la Kalachnikov, assassinat entre collégiens… Par contre, on balaiera de la main la statistique montrant une baisse des meurtres… On n’aime pas les choses qui ne cadrent pas avec nos préjugés.
C’est ça le biais de confirmation : être borgne sur certaines questions. Dans mon cas, je me refuserais à prendre en considération les miniatures qui démentent ma certitude. Non, impossible, je suis parfaitement objectif dans mes recherches. Sauf que…
À bien y regarder, des dormeurs assis ou presque, il y en a aussi quelques-uns qui se cachent dans les manuscrits.

Bon, lui, c’est un cas ambigu. Son buste est relevé mais il ne semble pas assis.

Là, on va dire que l’exception qui confirme la règle.

Là, je ne sais plus comment défendre la thèse allongée.

Zut, ma démonstration en prend un coup. Je me rassure en pensant que ces images représentent sûrement une mode éphémère. Après le Moyen Âge, les gens redorment normalement. Les tableaux me le diront. Je pense notamment aux peintures polissonnes du XVIIIe siècle. Bonne pioche !


Ces dames de la bonne société semblent se complaire dans la position assise. Ce qui n’arrange pas mes affaires.
Un espoir tout de même : les spécialistes du passé me donneront certainement raison.
Que disent les historiens ?
Pas grand-chose et c’est bien ça le problème. Le sujet semble mis au placard. Dans Dormir au Moyen Âge, Jean Verdon nous parle de la forme des lits, des heures de lever et de coucher, s’étend sur l’insomnie, et analysent même les rêves des dormeurs. Par contre, sur la question de la position, l’auteur a comme une absence.
Tournons alors les 450 pages d’Histoire de chambres, le livre de l’historienne Michèle Perrot. Je devrais me contenter de cette maigre phrase : « nos ancêtres dormaient à demi assis dans des lits plus courts ». D’accord, mais à quelle période ? Et selon quelle source ? Tous faisaient-ils ça ou seulement l’aristocratie ? Je n’en saurais pas plus.
Dans L’oubli des peines, une histoire du sommeil, L’historien Guillaume Garnier en ajoute néanmoins une couche : « [les lits médiévaux] étaient conçus de manière à ce que l’on puisse dormir en position assise, avec des coussins pour surélever la tête ». J’avoue avoir du mal à accorder beaucoup de crédit à cette phrase non étayée (encore une fois), et produite par un spécialiste des XVIIIe-XIXe siècles. Enfin, avoir la tête surélevée suffit-il pour être considéré assis ? On dort tous sur des oreillers voire des traversins sans pour autant reposer tout notre corps sur nos fesses.
Devant ces preuves contradictoires ou mal assurées, je dois trouver un autre angle d’attaque. Pour saper les défenseurs de la thèse assise, il suffit peut-être de juger les arguments qu’ils utilisent pour la justifier. Eh oui, pourquoi dormir sur son séant ?
La peur de la mort
Les partisans de la thèse assise ont l’explication. Ils s’appuient sur un argument culturel. Par superstition, les gens prenaient garde à ne pas dormir allongés, car c’était adopter la position du mort. Ils n’allaient quand même pas tenter le diable.

Le raisonnement ne me convainc pas. Si on admet que les gens dormaient assis, qu’ils mourraient en général dans leur sommeil, la position habituelle de la mort était donc assise et non allongée. Voici un argument qui se mord la queue.
Revenons au cœur du sujet : le lit. Sont-ils si petits ? Ah ! Comme j’aimerais me jeter dessus profitant d’une absence de visiteurs et du gardien. Mon corps le trouverait-il plus court que celui de ma chambre ? Le problème des lits de châteaux, c’est qu’ils sont installés dans de vastes pièces qui les rendent minuscules. Ne sommes-nous pas victimes d’une illusion d’optique ? Une seule solution pour le savoir : mesurer le lit. J’en appelle aux nombreux guides qui lisent ce blog. Prenez votre mètre et dites en commentaire vos résultats.
Un problème de taille : les gens étaient-ils si petits ?
Évaluons maintenant l’autre argument : les lits seraient petits, car les gens l’étaient autant. Rassurez-vous : je ne vais pas vous démontrer l’impossible, à savoir que nos ancêtres étaient des géants qui se cognaient au linteau des portes. C’est une évidence que nous dépassons les populations anciennes en taille. Mais de combien ?
Wikipedia m’apprend qu’aujourd’hui, en France, la taille moyenne des hommes est d’environ 1,80 m et de 1,65 m pour les femmes (mon ego en prend un coup. Je suis en dessous de la moyenne. Un peu 🙂 )
Comparons au passé. Pour le XVIIIe siècle, le chercheur John Komlos a trouvé les sources adéquates : les registres décrivant les recrues de l’armée française. La taille des soldats y est précisée. Bilan : les hommes mesuraient dans les 1,60 m. La courbe ne cesse néanmoins de varier au cours de la période : 1,60 m au minimum pour les soldats nés vers 1675 et une pointe à 1,68 m. Des différences probablement liées à des crises de malnutrition.

Autre conclusion de l’historien américain : les classes supérieures dominent au sens propre du terme puisqu’elles coiffent de presque 2 cm la moyenne. Autrement dit, être riche fait un peu grandir.
On pourrait croire que plus on remonte dans le temps, plus les gens rapetissent. Apparemment pas. Les fouilles de cimetières des premiers siècles du Moyen Âge révèlent des tailles proches de celles des soldats étudiées par John Komlos. Au VIe siècle, dans un cimetière d’Alise-Sainte-Reine (Bourgogne), les hommes mesuraient en moyenne 1,69 m, les femmes 1,57 m. Un cimetière sur la commune de Mortefontaine (Aisne) a livré une centaine de squelettes des VIIIe-IXe siècles : les adultes masculins atteignaient la moyenne de 1,68 m, les femmes se situant 11 cm en dessous.
Bref, les gens du Moyen Âge faisaient à peine une tête de moins que nous.
Conclusion alambiquée
Je vous ai fait tourner en bourrique avec cet article. Alors les gens dormaient-ils autrefois assis ? Moi qui essaie habituellement dans ce blog de trouver réponse à tout, moi qui tente de m’ériger en savant infaillible devant vous, je vais sur ce sujet confesser mon incertitude. Ma conviction d’origine a vacillé.
On peut trouver des arguments et des preuves pour les positions assises ou allongées. Pour sortir de ce paradoxe, il faut peut-être se réfugier au château d’Ecouen. Car dans cette demeure princière, un écran tactile explique aux visiteurs la pratique du lit à la Renaissance : « La nuit, on s’y allonge de tout son long, la tête soulevée par quelques oreillers tandis que la journée, on s’y tient à demi-couché, ce qui a longtemps fait croire que les contemporains dormaient assis ».
- Lire aussi : Dans la chambre du roi Louis XIV à Versailles
En résumé, les deux postures au lit sont possibles. Tout dépend ce qu’on y fait et peut-être de la période de l’histoire qu’on choisit.
Continuez ce débat dans les commentaires. Aidez-moi à me faire mon opinion. Pour vous, dormir assis est-il une histoire à dormir debout ?
Cette visite des chambres vous a plu ? Recevez ci-dessous ma liste des plus beaux châteaux forts en France.

Très intéressant, merci ! (Je suis historienne d’art, écrivain et conférencière depuis 40 ans, spécialiste du XVe siècle flamand mais aussi d’autres périodes). Mes conclusions depuis longtemps sont proches des vôtres, aussi bien pour la façon de dormir que pour la taille des gens (un autre indice, pour la noblesse, c’est la taille des armures). On voit des gens dormir couchés et assis en effet. Il faut absolument maintenant emporter un mètre dans les visites de châteaux et demander la permission de mesurer les lits !
Suite : très intéressant aussi, le tableau de Toussaint Dubreuil au Louvre pour la fin du XVIe siècle : La toilette de Hyanthe et Climène. Elle est demi-assise dans son lit avec un traversin très haut.
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/1c/Toussaint_Dubreuil_-_Hyanthe_and_Clymene_at_their_Toilette_-_WGA6703.jpg
Chouette, une image du XVIe siècle. Je n’avais pas. Merci.
Je fais partie d’une association « d’amis d’un chateau » Renaissance flanque de sa tour du XIV siecle . J’en ai eu assez moi aussi d’entende le gides nous faire la ritournelle du On dors assis, les lits sont petits etc.
Donc, en preparant es pieces pour les visites, j’ai MESURE les lits. Celui ou a dormi Le Duc de Lorraine Stanislas en 1753 (lit d’epoque) mesure 200 x 150. (Mon copain Stanislas Leszczynski mesurait 1m90 )
Dans une chambre avec mobilier fin XVIII le lit d’epoque mesure 200x 135.
Donc… Arretez, les guides de nous faire avaler des couleuvres!!!
Bonjour Laurent,
Je me suis aussi souvent posée la question ! J’ai lu cet article avec plaisir, difficile de se faire une opinion tranchée ! C’est vrai que la mesure d’un lit de l’époque médiévale nous apporterait une partie de réponse… j’espère que des guides liront cet article et nous éclaireront….
Je pense que les gens du peuple devaient dormir allongés, la plupart ne devaient pas avoir de lit, sur des paillasses directement au sol, pour les plus riches, pourquoi se torturer en dormant en position assise, peut être recroquevillés en position foetale sur des lits courts, c’est vrai qu’on a toujours, en tout lieu de visite, entendu ces commentaires sur la taille des gens et la position assise de peur que la mort ne vienne les prendre….
J’attends avec curiosité l’avis de spécialistes…..
Bonjour Marie. Vous introduisez un critère qui pourrait en effet expliquer les deux positions. Est-ce que les pratiques aristocratiques correspondent aux pratiques du peuple ? Les miniatures montrent plutôt des scènes aristocratiques.
Nous aussi, en 2020 nous sommes allonges la tete sur un traversin avec un oreiller au dessus….pour pouvoir lire le soir en position de relaxe. –ou regarder la TV s’il y en a une dans la chambre. Puis, a bas l’oreiller, pour pouvoir s’allonger tranquillement..
Puisque vous etes une specialiste du XV, vous savez certainement que les chambes servaient aussi a recevoir les amis ou a traiter des affaires.
La facilité m’amènerait à parler d’histoire à dormir debout. Je me contenterait d’un seul mot sur cette chronique : savoureux.
Merci Patrice. Je me suis bien amusé à faire la recherche aussi. Même si mon ego en prend un coup (et pas seulement à cause de ma taille).
Bonjour
Les personnes dormaient quasiment assis mais le buste rejeté en arrière pour se détendre. Dans les vieux châteaux et les maisons anciennes on trouve des alcôves de petite taille. Ce n’est que les morts qui se retrouvaient allongés. On dit souvent « boulevard des allongés en parlant du cimetière ».
Des sources, des sources, des sources !
Moi j’ai entendu de la part d’une historienne et guide d’un château que le nombre de repas à l’époque n’était pas les mêmes. Conclusion : beaucoup de difficultés à digérer, et souvent des aigreurs d’estomac. On était donc dans une position semi-assise grâce à un traversin et des oreillers pour se soulager l’estomac. Donc rien à voir avec la peur de la mort… Ceux qui n’avaient pas de problème de digestion devait surtout dormir allongée. Plus on est dans la « haute », plus on a des repas (pouvant aller jusqu’au nombre de 7 par jours), plus on souffrait de l’estomac…
Intéressant d’introduire le facteur alimentation. Mais dans ce domaine, il y a aussi beaucoup de clichés. Comme les aigreurs d’estomac à cause d’une mauvaise nourriture… J’aborderai le sujet dans un article.
Petites précisions médicales :
1) je suppose que ce qu’on nomme « aigreur » sont des brulures d’estomac par hyper-acidité gastrique (hors ulcères ou autres pathologies). Là, la position assise ou au moins la surélévation du torse n’a pas d’influence. Préférez le bicarbonate de soude (en urgence) ou les « inhibiteurs de la pompe à proton » (pour le plus long terme). Et faites le diagnostic causal de cette pathologie !
2) pour les reflux gastro-oesophagiens, là les position torse surélevé sont assez efficaces (voire indispensables). Mais ces pathologies sont rares chez le jeune (typiquement une « pathologie de l’age ») et on mourait jeune dans les périodes évoquées, surtout si ils sont minces (pathologie du sur poids) et je n’ai vu aucun rondouillards dans les assis au lit présentés.
Ces reflux sont favorisés surtout par les nourritures grasses, le pompon étant détenu par la mayonnaise (difficile de faire plus gras !). Cf un bon article de John Wiley & Sons in The Laryngoscope. Je n’ai plus les ref complètes mais on doit les retrouver assez facilement.
Fin de la minute médicale !
Merci pour cette consultation gratuite. Bref, la position assise ne favorise pas la digestion.
Oui, en effet. Elle évite ou diminue seulement les reflux.
En « chien de fusil », c’est beaucoup plus confortable qu’assis…
bonjour à tous, je suis assistant de conservation au chateau du haut-koenigsbourg (dep67), je dois en être à ma 12 millième visite guidée et effectivement j’entends toujours la même chose au sujet du « dormir assis par peur de la mort »; pour info, j’ai mesuré notre lit au télémètre laser, il fait 190cm de long donc, taille normale, il est par contre un peu étroit (135cm), en visite je préfère éviter le sujet, c’est une perte de temps et on finit par s’embourber en polémiques sans fin.
perso, sachant que le corps change de position involontairement dans la nuit, on peut toujours essayer de s’endormir assis, mais le corps finira par chercher lui-même la position la plus confortable, quand on se réveille tous les matins allongé et en pleine santé, pourquoi s’évertuer à se forçer dans une position donnée?
ensuite pour ce qui est de la peur de mourir, nos aîeux du moyen-âge ont plus peur de l’enfer et du jugement dernier que de la mort.
votre recherche iconographique est intéressante, mais sur les deux dernières images médiévales où l’on a des personnages semi-assis, ceux-la ne dorment pas, quant aux dessins coquins, je pense que l’auteur de l’image mets les sujets dans cette position, pour que nous puissions profiter du visage et de la poitrine de la femme.
vous l’avez compris, pour moi nos ancêtres ont probablement dormi de côté, sur le ventre, un pied dehors, ou en position foetale, bref dans leur position préférée et en ronflant, ils ont dormi normalement, comme nous.
Bonjour. Vous êtes le premier guide à nous fournir enfin une mesure. Merci. Je suis d’accord avec vos remarques de bon sens. En effet, il faut faire attention dans le choix iconographique entre les personnes au lit et les personnes qui dorment. La position n’est peut-être pas la même.
Merci, Laurent Ridel, pour cet article si richement documenté. Dorénavant, j’aurai un mètre dans la poche lors de mes visites de château.
Merci à « dif stephane » pour les dimensions 190 cm sur 135 cm, qui semblent être des dimensions confortables, 120 cm sur 190 cm étaient des dimensions habituelles il y a encore 60 ans en France.
Je suis impatient de lire les résultats de vos mesures !
bonjour à tous,je reviens du château de Chillon ( Suisse canton de Vaud), leur lit mesure 190 cm en longueur sur 125 de large
Merci ! Donc encore une taille normale. Si vous avez en prime le siècle de fabrication du lit…
Merci pour cet article sur lequel je tombe en lisant celui sur le lever du roi. Voilà un sujet qui m’intéresse et auquel j’aurais vraiment aimé avoir une réponse ferme fiable et définitive ! Zut ça ne sera pas encore le cas. Je n’ai trouvé aucune source fiable et même les livres sur le moyen-âge ne traitent pas du sujet… A force d’entendre partout que les gens dormaient assis au moyen-âge, arguments à l’appui ;peur de la mort mais surtout problème de digestion l’hygiène buco dentaire faisant défaut, les seigneurs mangeant beaucoup de viande ne mastiquaient pas assez et pouvaient s’étouffer dans leur sommeil (information donnée au Château de Châteauneuf en Bourgogne), lit plus petits (je n’avais pas de mètre avec moi à l’époque) je pensais qu’effectivement cela devait être le cas et grand mal m’a pris de colporter cette information qui ne reflétait pas forcément la vérité. Jusqu’à ce qu’une collègue guide m’annonce très sûre d’elle, que non au moyen-âge les gens dormaient couchés. Ah ???? Quelles sont ses preuves ? Premièrement les lits ne sont pas petits, effectivement illusion d’optique oblige les pièces sont tellement grandes dans les châteaux que les lits paraissent minuscules, ils sont parfois plus grands que les nôtres aujourd’hui. Maintenant je prends systématiquement un mètre pour vérifier. Ensuite il existerait un texte du moyen-âge (mais je n’ai pas la source désolée) dans lequel il est précisé qu’on doit être mis en terre le jour de sa mort aussi bien couché que l’on était de son vivant, ce qui tendrait à prouver qu’effectivement les gens dormaient allongés. A priori ils dormaient nus mais en se couvrant la tête, d’après les théories d’Hypocrate, on se refroidit en dormant et donc il y a des risques encourus (devenir débile notamment) si on ne se couvre pas la tête, bref mais là on sort du propos. J’aurais donc tendance aussi désormais à penser que la position allongée était celle adoptée…
Nous attendons avec impatience les résultats de vos mesures.
L’explication sur les problèmes de digestion, le fait de ne pas mastiquer assez ou de s’étouffer dans son sommeil me semblent plus des histoires à dormir debout mais qui doivent impressionner les touristes curieux d’anecdotes.
Oui, au Moyen Âge, les gens dormaient nus. En tout cas, c’est ce que dit Jean Verdon dans l’article que je cite. La couverture de la tête est surtout liée au fait que la chambre est froide.
Bonjour et merci pour cet article fort intéressant !
Un autre élément de réponse me vient à l’esprit : une fois morts, est-ce que les gens étaient présentés dans leur lit avant leurs funérailles ? Est-ce que les nobles et les religieux (ceux représentés sur les enluminures) étaient présentés sur « leur lit de mort » qui était différent de « leur lit habituel » ? Il y a des chances pour que leur lit de mort soit le même que le premier non ?! Et par conséquent que le corps puisse s’y allonger de tout son long.
Quant aux représentations artistiques, je rejoins les avis ci-dessus : il est plus pertinent de représenter des personnages la tête/buste redressés pour les besoins de la composition graphique. Mais ce n’est qu’un avis et pas une source 😉
Bonjour et merci pour cet article fouillé et réfléchi.
Je ne sais pas si ça a déjà été dit, mais je pense qu’un autre élément à prendre en compte est le nombre de personnes présentes dans le lit. Même si je l’avais déjà lu ailleurs, je viens de finir le livre sur Montaillou de le Roy Ladurie. Il y a plusieurs témoignages directs où les gens (plutôt de basse ou moyenne condition, et en milieu rural occitan) s’entassent à trois, quatre, cinq dans des lits. Je suppose que plus on est, plus il est difficile d’être vraiment couché.
Je m’imaginais plus volontiers une position mi couchée mi assise, à l’aide de coussins, pour entasser tout ce monde.
bonjour à tous, voici d’autres dimensions de lits anciens:
Le musée lorrain possède le lit du duc antoine de lorraine et de renée de bourbon, daté de 1515, hauteur 258, longueur 231, et largeur 219, ça c’est du king size!
Le château de Langeais, que j’ai contacté et que je remercie pour sa coopération, possède deux lits anciens, le premier du 15 ème, H 231, L 202, l 154
le second du 16 ème, H 222, L 180, l 166, pour l’instant c’est le lit le plus court que j’aie trouvé, mais bon, 1m80 ça va encore
Merci pour vos efforts et la précision des informations. 2 lits sur 3 sont grands. Le dernier est moyen.
Bonjour
J’ai entièrement retranscrits de très nombreux inventaires après décès de familles de classes moyennes à pauvres. Le lit est toujours encombrée d’une multitude de gros traverslit et oreillers. On dormait donc bien le dos très relevé, cela permettait de mieux respirer. Je peux en attester car j’ai passé 19 ans de ma vie à dormir dans un fauteuil faute de médécin m’envoyant voir un pneumologue. Vous l’avez compris je dors depuis quelques années à nouveau dans le lit mais avec une machine pour respirer.
Outre la respiration, cela évitait la position allongée qui était celle du mort.
Odile HALBERT
Merci pour votre témoignage. Il faut toutefois prendre garder à coller nos expériences avec celles des gens du passé, surtout aussi lointains que ceux du Moyen Âge.
Pour repondre a la personne qui a des problemes de respiration et qui dormait soulevee. . Pensez vous qu’au Moyen Age, la majorite des gens avaient aussi des problemes de respiration?
Bonjour. Merci pour cet article qui, s’il ne donne pas de réponse à ce sujet épineux, permet au moins de nuancer le propos. Je suis guide, et j’essaye d’éviter les raccourcis et les « légendes urbaines » (type l’huile jetée des remparts sur les assaillants) si je n’ai pas de quoi étayer mon propos. Je travaille en ce moment au château de Grignan. Les lits (XVIIIe s) font tous entre 1,90 et 2m de long, voire plus, et certains sont même très larges. Mais tous donnent l’impression d’être plus petits du fait de leur hauteur, du baldaquin et de la taille des pièces…
Merci pour votre témoignage !
Bonjour , de par mon métier j’ai restauré ou transformé de nombreux lits de toutes les époques , si la largeur était a peu près de 1.30/1.35 m la longueur était rarement inférieure à 1m75 souvent 1.80 , les Français était très rarement plus grand que 1.70 m jusqu’en 1920 si l’on regarde les fiches de conscriptionce qui prouverait qu’il dormaient bien allogés . Maintenant les personnes agées même impotentes n’allaient pas en maison de retraite et il n’était pas rare de les visiter dans leur lit sur de nombreuses oreillers mais de là a dire qu’elles dormaient assise ??
Merci pour ces données.
Merci pour cet article qui fait réfléchir! Juste un élément de réponse: mes arrière-grand parents (enfin, ceux pour lesquels j’ai des infos de première main), qui sont décédés dans les années 1960 et vivaient à la campagne, dans le Sud-Ouest (dans le même coin depuis des générations) dormaient pas tout à fait assis, mais presque (le dos soutenus par plusieurs gros oreillers)… Je pense que l’époque y est pour beaucoup. Pas seulement pour le sommeil: cf. le rapport avec l’eau. On craignait moins l’eau au Moyen Age (enfin… le Moyen Age est vaste… quel Moyen Age? ), il me semble, qu’au 17e siècle, non? Au 19e siècle, les tableaux d’enfants malades montrent une position plutôt assise (cf. la Jeune Fille malade de Munch). Bref… affaire à suivre. Sur les images médiévales, les questions de perspective n’aident pas beaucoup l’appréciation de la position …
que de questions, nais n’oublions pas la composition des matelas, si différents des notres, fermes, pas trop …ect, et la position du mort est une réalité…voir les gisants et autres transis….la plupart des gens dormaient dans le foin des granges…ect
Il ne faut pas oublier qu’il n’y avait pas ou très peu de chauffage au Moyen Age , les lits étaient étroits et bien souvent ils servaient à plusieurs membres de la famille couchés ensemble ! il fallait se serrer et peut-être se redresser un peu pour que chacun y trouve une place avec un peu de chaleur …humaine
Dormir ensemble dans le même lit était plutôt une caractéristique du peuple.
Merci pour cet article, comme d’habitude, très intéressant. Hélas, je continue avec la doute. La semaine dernière, lors d’une visite à la Commanderie de Sainte Eulalie de Cernon, il avait une « représentation » des lits de chevaliers. Ils étaient tous petits et la guide nous a expliqué que les chevaliers étaient des grands hommes mais qu’ils dormaient assis par peur de la mort et parce que c’était une manière de mieux se défendre en cas d’attaque par surprise. Je ne sais pas… J’ai une grande doute 🙁 Si finalement vous trouvez la bonne réponse je serais enchantée de la lire 🙂 Merci encore.
Dans le raisonnement de votre guide, deux choses me gênent : il n’y avait pas de critères de taille pour entrer chez les Templiers. Donc ils n’étaient pas plus grands que les autres. Deuxièmement les commanderies en France étaient surtout des domaines agricoles. Elles n’avaient donc aucun rôle défensif au contraire des commanderies en Terre-Sainte. Dans ces conditions, les Templiers n’avaient aucune raison de s’inquiéter d’une attaque surprise.
les lits anciens étaient surélevés au moins 25 à 30 cm sous la traverse basse , les sommier à partir du XVII ° faisaient aussi 20/25 cm et il y avait deux ou trois matelas l’un sur l’autre plus les oreillers souvent deux et le traversin donc bien relevé ce qui je pense faisait penser qu’ils dormaient assis !
Vous avez raison, j’étais un peu surprise aussi. Par rapport à dormir assis à cause d’une attaque surprise, elle parlait d’une manière générale (c’est moi qui s’est mal expliquée :0) Merci beaucoup pour votre réponse.
Par rapport à la question de la mort, ce n’est pas en raison d’une peur éventuelle de la mort qu’on ne dormait pas allongés (si tant est que ce n’était pas le cas …), mais parce que la position allongée est réservée aux morts. Ce n’est pas exactement la même chose.
Bonjour, en fait, je viens de constater que nous sommes les seuls à changer la position de notre organisme pour dormir. Les singes dorment assis et les animaux à 4 pattes, ça change rien pour eux quand ils s’allongent. Ça pose la question d une pratique acquise ou culturelle je trouve
Sur les illustrations où les gens sont représentés assis, ils ont les yeux ouverts (et sont souvent 2 dans le lit). Quand ils sont allongés, ils ont les yeux fermés et sont seuls.
Conclusion…. 😉
Article intéressant mais il me semble assez discutable de tenter de démontrer l’existence d’un usage réel en s’appuyant sur des oeuvres de fiction. Les enluminures médiévales sont davantage à lire qu’à observer ; dans l’écrasante majorité des cas leur but n’est pas celui de la reproduction du réel mais de la représentation symbolique. Il est donc tout à fait possible que la position couchée de ces personnages réponde à un code, un message destiné au lecteur qui signifierait que le personnage dort, mais qui ne corresponde pas à l’usage réel. De plus les illustrations choisies correspondent à des scènes où le héros est indirectement en péril (notamment le songe d’Arthur ; celui-ci rêve qu’il est mutilé) ; la position couchée pourrait alors très bien signifier et jouer sur ce parallèle (possiblement propre à la pensée médiévale) entre sommeil en position allongée et mort/danger de mort.
Ce ne sont que des hypothèses de lecture, mais je pense qu’elles démontrent bien que votre entreprise de prouver un usage réel par des exemples tirés d’enluminures est un peu fragile, celles-ci n’étant absolument pas des représentations du réel. Je pense qu’il faudrait les lire d’un point de vue plus symbolique et moins prosaïque. Les médiévaux n’avaient pas la même idée/théorie de la représentation que nous modernes (notre conception nous vient davantage de la renaissance, puis plus tard des romantiques et des réalistes, je ne vois apprends rien).
Vos arguments sont valables. J’ai déjà parlé de la fiabilité imparfaite des enluminures à propos des châteaux dans cet article. On n’a toutefois pas mieux pour envisager le problème de la station du sommeil. Vous remarquerez enfin que je n’utilise pas que des enluminures comme illustration.
Sur les enluminures que vous présentez, parfois les personnes ne dorment pas. Elles sont éveillées et à plusieurs peut-être pour discuter et n’est t’il pas normal de rester au chaud dans son lit quand on le peut sans chauffage central ! Dans ce cas, la position assise est requise même aujourd’hui.
Autre remarque est que par peur de la venue de quelqu’un d’indésirable et pour entendre son arrivée il est possible de rester semi-assis et à demi-endormi. Je pense à des périodes troubles, d’insécurité ou d’invasion.
Je souhaite bien avoir la dimension des lits anciens mais je ne pense pas qu’il y ait eu déjà une taille standard !
J’ai pris soin de prendre des enluminures qui ont pour sujet le sommeil, le couple ou la mort.
Une chose est certaine , c’est qu’il n’y avait pas beaucoup de personnes qui dépassaient les 1m55 d’ou la longueur des lits anciens jusquà la fin de 1900 , il avait une longueur maximum de 1m 80/1.88 . Par la même occasion regardez la hauteur des serrures sur les portes ou armoire et vous verrez qu’elles ont souvent été relevées lorsque les meubles étaient conservés par les génération plus grandes .