Autel, tabernacle, retable, fonts baptismaux… : les églises sont remplies de mobilier à la fonction méconnue ou obsolète. On dresse l’inventaire.
Par définition, le mobilier d’une église regroupe tout ce qui mobile. Vous pouvez déplacer une chaire à prêcher ; vous ne pouvez pas pousser un mur. La première relève donc du mobilier ; le second de l’architecture.
L’aménagement mobilier est nécessaire au moins pour l’exercice du culte catholique. Je pense à l’autel. Il faut aussi pouvoir s’asseoir. D’où les cathèdres, stalles, bancs… En revanche, certains meubles ont une fonction plus accessoire. Par exemple, le retable, le baldaquin ou l’orgue se limitent à donner plus de faste aux cérémonies.
En comptant aussi les différentes tribunes (jubé, ambon, chaire…), ça fait beaucoup !
Comme certains d’entre vous n’ont jamais vu un office religieux, comme des éléments ne servent plus aujourd’hui, j’ai pensé utile de vous définir une quinzaine de meubles ou aménagements religieux. Vous vous rendrez compte que certains éléments sont enracinés au point de douter de leur caractère mobile.
Autour de l’autel
L’autel
Dans l’histoire du christianisme, il fut sûrement le premier mobilier installé dans l’église. Pas de culte chrétien sans autel. Sur ce meuble, le prêtre célèbre l’eucharistie, sacrement qui commémore le dernier repas du Christ auprès des apôtres et le sacrifice de sa personne : chez les catholiques, le prêtre rend présents le corps et le sang de Jésus à travers l’hostie et le vin. Ce moment est l’apogée de la messe.
Selon leur morphologie, les autels se classent en :
- table, en rappel de la Cène, dernier repas du Christ.
- tombeau
Une église accueille souvent plusieurs autels. Le principal prend le nom de maître-autel, les autres, d’autels secondaires. Ces derniers se trouvent plutôt dans des chapelles latérales.
Depuis le concile de Vatican II (1962-1965), le maître-autel a été déplacé vers le centre de l’église et leur forme moderne se résume couramment à un bloc de pierre.
Le retable
Placé en arrière de l’autel, cet ensemble décoratif vertical sert de support à un décor religieux, sculpté ou peint.
Discret au milieu du Moyen Âge, il se monumentalise au fil des siècles au point de devenir le point focal de l’église. Convergence renforcée par les formes spectaculaires et baroques des retables créés aux XVIIe et XVIIIe siècles, jusque dans les églises les plus modestes. Ils saisissent le visiteur et le fidèle par leur ampleur et leur décoration de peintures et de statues. Le but de ces panneaux est de mettre en valeur l’autel et le tabernacle.
Dans les édifices modernes, le retable n’a plus la cote. A quand le retour du retable ?
Le tabernacle
Cette petite armoire contient les hosties consacrées par le prêtre. Hosties conservées en vue d’être portées aux malades ou distribuées, en l’absence de prêtre, lors d’une assemblée dominicale. Cette réserve eucharistique fait l’objet d’une adoration chez les catholiques sous le nom de Saint-Sacrement. La fermeture à clé du tabernacle garantit contre les profanations.
Autrefois ce tabernacle trônait au milieu de l’autel. Depuis le concile de Vatican, sa place se trouve quelque part dans le chœur (souvent sur l’ancien autel) ou dans une chapelle dite du Saint-Sacrement. Pour localiser ce tabernacle, fiez-vous à la petite lumière rouge qui indique, à proximité, la présence effective de ces hosties.
Le baldaquin
Au lieu du retable, certaines églises font le choix du baldaquin pour magnifier le tabernacle. Cette construction, souvent portée par des colonnes, forme un dais protecteur au-dessus de l’autel. Le résultat est pompeux.
La clôture de chœur
Dans les grandes églises, le chœur liturgique — l’espace dévolu aux clercs et à l’autel — était isolé du reste de l’église par une clôture de pierre ou de bois. Le jubé (voir plus bas) en constituait la face avant. Avec cet exemple, on touche aux limites de la définition de mobilier : une clôture ne se déplace pas, sauf à être l’incroyable Hulk.
Cependant, on n’a pas hésité à en démolir. Dans certains édifices, une grille la remplace.
À chacun sa place : stalle, cathèdre et bancs
Les stalles
Placée dans le chœur, cette série de sièges, généralement en bois, accueillait les communautés de clercs ou de religieux : moines et chanoines principalement. Aujourd’hui elles ne sont plus utilisées, sauf dans les grandes villes où exercent un clergé plus nombreux pendant les offices, ainsi que des chantres et des servants d’autel.
Je vous conseille de regarder ces stalles de près. Les artisans du Moyen Âge et de la Renaissance les ont sculptées de personnages voire de scènes. La preuve dans cette vidéo de ma chaîne Youtube.
La cathèdre
Propre aux cathédrales qui leur doivent leur nom, la cathédrale est le siège où s’assoit l’évêque lorsqu’il préside les cérémonies.
Dans les églises paroissiales, le prêtre bénéficie aussi d’une assise spécifique, dit siège de présidence. On voit aussi un « banc du célébrant ou de l’officiant ». Ses trois places accueillent le célébrant et deux assistants (diacre et sous-diacre).
Les chaises et bancs
Autrefois les nefs étaient largement vides d’assises. On suivait les cérémonies debout ou agenouillé sur les dalles ou la terre battue. Mais à la fin du Moyen Âge, les aristocrates bénéficient d’un peu plus d’égards et de confort : ils glissent un tapis ou un coussin sous leurs genoux, s’appuient sur un prie-dieu ou prennent place sur le banc seigneurial.
Dès le XVIIe siècle, les bancs puis les chaises se généralisent dans la nef. Les laïcs gérant la paroisse (les fabriciens ou marguilliers) ont en effet l’idée de louer les places assises afin d’augmenter les revenus paroissiaux. Eux-mêmes ont droit à leurs places spécifiques regroupées dans le « banc d’œuvre ». Et ce n’est pas une simple planche sur deux pieds.
L’Église a abandonné l’idée de faire payer bancs et chaises ou d’avoir un emplacement réservé. Si vous avez connu ce principe, n’hésitez pas à l’écrire en commentaire. J’ai l’impression que ça existait encore avant-guerre.
Le mobilier de la parole et de la musique : chaire, lutrin, jubé, ambon et orgue
La chaire à prêcher
Sauf dans quelques églises traditionalistes, la chaire est un meuble obsolète. Rare au Moyen Âge, cette tribune connaît son âge d’or entre le XVIIe et le début du XXe siècle, lorsque l’Église oblige les curés à instruire leurs paroissiens. En conséquence, au cours de la messe, le prêtre doit temporairement quitter son chœur, gagner la nef et monter en chaire pour prononcer un sermon.
Au XVIIe siècle, dans les églises parisiennes, certains prennent goût à l’exercice et discourent pendant 1 h à 2 h. Les marguilliers et fabriciens se frottent les mains : de plus en plus de fidèles, fatigués par la station debout, demandent à louer des chaises.
Lire : Vie et mort de la chaire à prêcher
L’ambon
À l’inverse de la chaire à prêcher, cette autre tribune connaît un « come-back » dans les églises. Les premières églises disposaient d’ambon. Mais il fut concurrencé par les jubés et les chaires à prêcher. Aujourd’hui, l’ambon est surtout un pupitre situé près de l’autel, d’où un fidèle ou le curé fait des lectures.
Le jubé
C’est peut-être l’aménagement liturgique le plus mystérieux pour un visiteur ou un fidèle, car rares sont les églises qui le conservent. Cette clôture a souvent été détruite entre le XVIe et le XVIIIe siècle. En 2023, les fouilles archéologiques dans la cathédrale Notre-Dame de Paris ont d’ailleurs mis à jour plusieurs de ses éléments enterrés sous le sol du transept.
Lire : Notre-Dame de Paris : enjeux des fouilles archéologiques
Souvent en pierre sculptée, cette construction séparait le chœur liturgique de la nef. Elle servait à isoler les moines ou les chanoines qui chantaient l’office dans le chœur. Grâce à un escalier, un clerc y montait parfois pour faire des lectures aux fidèles. Le jubé empêchait les fidèles de bien voir le déroulement du culte, d’où leurs protestations et les destructions.
Lire mon article : Les jubés : fonctions, architecture et histoire
Le lutrin
Installé dans le chœur, ce pupitre est destiné à déposer un livre ouvert afin d’en faciliter la lecture. Les ouvrages en question sont souvent de gros livres de chants liturgiques.
Les lutrins les plus frappants ont la forme d’un aigle dont les ailes déployées soutiennent le livre.
Les orgues
Souvent perché, cet énorme instrument à vent accompagne, avec faste, les cérémonies religieuses par une musique tantôt grave, tantôt enjouée, tantôt tonitruante. Leur emplacement varie d’une église à l’autre et selon l’époque, mais les plus gros occupent en majorité le fond de la nef, sur une tribune capable de supporter leur poids.
Car, depuis la fin du Moyen Âge, la musique prend de l’importance dans le culte et l’orgue prend du coffre. Les grands orgues renferment des centaines voire des milliers de tuyaux métalliques de toute taille qu’un organiste, caché derrière, fait chanter à partir de son clavier.
Le mobilier spécifique à certains rites
Les fonts baptismaux
Cette cuve reçoit l’eau nécessaire au baptême. Élevée à hauteur de main, elle permet au prêtre de puiser l’eau et de la verser sur la tête du baptisé. Un couvercle protège l’eau de toute souillure.
Dans les églises très anciennes, les fonts baptismaux ressemblaient à des bassins creusés dans le sol afin que le futur baptisé s’y tienne debout.
On place généralement les fonts baptismaux à l’entrée de l’église, souvent dans une chapelle spécifique appelée baptistère.
Le bénitier
Disposée à l’entrée de l’église, cette vasque, plus petite que les fonts baptismaux, contient l’eau bénite. Les fidèles y plongent leur doigt et se signent en entrant afin de se purifier. Ce rite itère le baptême. Au début de l’épidémie de COVID-19, les bénitiers ont été vidés pour limiter la contagion du virus.
Le confessionnal
Ce meuble relève de l’armoire dans sa forme et de l’isoloir dans sa fonction. Il ressemble en effet à une armoire dont on aurait retiré les étagères pour y faire entrer le prêtre et un fidèle. D’ailleurs, les fabricants de confessionnaux et d’armoires étaient les mêmes.
Sa fonction rappelle l’isoloir des salles de vote. Il soustrait aux regards le confessé venu avouer ses fautes. Il le met aussi à l’abri des oreilles indiscrètes.
Ce meuble arrive assez tardivement dans les églises bien qu’on se confessait depuis longtemps. Il fait partie des instruments de la Contre-Réforme qui, à partir du XVIe siècle, essaie de reprendre le contrôle sur les paroissiens. Une partie des fidèles avait en effet déserté l’Église catholique pour le protestantisme.
Si vous avez des choses à ajouter à cet inventaire mobilier, confessez-le en commentaire. Mais je ne vous garantis pas l’absolution 🙂
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