Dans Théorie de Jésus, le philosophe Michel Onfray soutient l’idée que Jésus n’est qu’une « idée », un « mythe ». Pourtant les historiens, même non croyants, sont portés à croire à son existence. Ouvrons le dossier.
Un mince dossier historique
Aucun texte contemporain de sa vie ne confirme l’existence de Jésus.
Et les quatre Évangiles ? Ne font-ils pas du Christ leur personnage central ? Ce ne sont pas des sources totalement convaincantes. Déjà parce qu’elles émanent d’auteurs qui ont un intérêt à promouvoir son existence. Ensuite, parce que les spécialistes en études bibliques sont d’accord pour fixer leur rédaction après la mort du Christ. Rien n’assure qu’ils l’ont connu. Sauf peut-être l’évangéliste saint Jean qui aurait été un apôtre.
En même temps, il est troublant de trouver une telle floraison de textes (évangiles apocryphes compris) à propos d’une personne qui n’aurait pas existé.
Autant sur Moïse ou Abraham, l’historien peut largement douter de leur réalité historique, car l’Ancien Testament est non seulement l’unique source à les présenter, mais sa composition intervient plusieurs siècles après l’époque des faits relatés. Autant sur Jésus, les témoignages sont assez proches chronologiquement du personnage : les premiers Évangiles retrouvés datent du IIe siècle (voire de la fin du Ier siècle).
Cette époque est contemporaine des premières sources rabbiniques, notamment le Talmud, qui, elles aussi, confirment l’existence de Jésus. Le théologien Matthieu Lavagna, auteur de Libre réponse à Michel Onfray : non le Christ n’est pas un mythe cite le Talmud dit babylonien : « la veille de Pâque, ils ont pendu le cadavre de Jésus le Nazaréen ». Ce passage évoque la mort de Jésus. Mais, encore une fois, on reste sur des sources judéo-chrétiennes. Peut-on trouver des sources plus objectives ?
Des sources païennes
Assez rapidement, trois historiens de l’Antiquité romaine font allusion au Christ : Cornélius Tacite, Suétone et Pline le Jeune.
Tacite introduit ce personnage à l’occasion du récit de l’incendie de Rome en 64. L’empereur Néron accuse les chrétiens de ce méfait et beaucoup sont exécutés. Tacite explique que ces chrétiens « tiennent leur nom de Christ (Christus) qui, au temps où Tibère était empereur, avait été condamné au supplice par le procurateur Ponce Pilate. Réprimée momentanément, cette superstition pernicieuse a refait surface, non seulement en Judée, où elle était apparue, mais à Rome même… » (Annales, XV, 44, 3). Ces détails sont en concordance avec les Évangiles.
A cette différence que Tacite n’est pas tendre avec les chrétiens qu’il juge « ennemis du genre humain ». Pour l’historien Patrick Boucheron, c’est un argument en faveur de l’existence historique de Jésus : même ses ennemis ne remettent pas en cause son existence.
De toute façon, s’il y a un mouvement chrétien dans l’Empire, il doit y avoir un fondateur derrière. C’est le raisonnement de l’historien des religions Michaël Langlois. La question est de savoir si ce fondateur est identifiable à Jésus.
- Lire aussi : Le portrait du Christ est-il inventé ?
La meilleure preuve historique
Ce n’est pas dans les Évangiles, dans le Talmud ou chez les historiens romains qu’il faut trouver un argument plus solide, mais chez un historien juif Flavius Josèphe. Son livre Les Antiquités juives est écrit à la fin du Ier siècle, donc plusieurs dizaines d’années après la mort du Christ. A l’intérieur, Flavius Josèphe évoque un « homme sage » mis à mort sur une croix et nommé Jésus. Malheureusement ce passage semble pollué par des ajouts qui ne sont probablement pas de la main de Flavius Josèphe, mais d’un chrétien enthousiaste. Ce qui a jeté le discrédit sur le passage entier.
Cependant, toujours dans les Antiquités juives, Jésus est cité une deuxième fois dans un passage que les chercheurs ne jugent pas modifié et donc plus unanimement authentique : Flavius Josèphe raconte les actes sévères du grand-prêtre juif Albinus à l’encontre des délinquants, parmi lesquels « le frère de Jésus appelé Christ, dont le nom était Jacques ». Jésus serait bien le Christ.
En résumé, quelques indices, jamais incontestables, nous poussent à créditer l’existence historique de Jésus. Beaucoup de chercheurs attendent des découvertes historiques ou archéologiques pour écarter tout doute. N’y croyons pas trop : le Christ n’appartenant pas à l’élite sociale, il est peu probable que de nombreuses sources en fassent mention.
Sur cette question sensible, l’historien Michaël Langlois pose un regard équilibré dans cette interview sur la chaîne YouTube Regards protestants : Peut-on prouver l’historicité de Jésus ? Entretien avec Michaël Langlois – YouTube . Je vous la recommande.
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