Lors d’une visite d’église, il vous est peut-être arrivé de lire un guide qui vous parle d’un « vitrail magnifique ». Le livre vous précise que « le verrier a fait preuve d’une grande virtuosité ». Alléchés, vous vous placez devant l’œuvre. Vous reconnaissez que la verrière est belle, mais vous cherchez désespérément comment se manifeste la virtuosité de son auteur.
En réponse à cette difficulté, je vais aujourd’hui vous donner un indice simple pour repérer une production de haute qualité. À l’issue de cet article, vous observerez les vitraux avec plus d’attention. Vous saurez mieux apprécier la valeur d’un artisan-verrier.
Dans ce but, prenons comme exemple ce vitrail installé dans la cathédrale d’Auch. Ne cherchez pas quelle sainte est représentée. Il s’agit plutôt d’une sibylle. Ces personnages féminins sont très peu connus par les visiteurs d’églises. Bravo si vous l’avez identifiée. Dans l’Antiquité, les sibylles étaient des femmes douées de dons prophétiques : elles étaient capables de prédire l’avenir. L’Église a récupéré ces figures païennes en affirmant qu’elles avaient annoncé la venue du Christ.
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Maintenant que le sujet est clair, analysons la technique. Sur ce vitrail, un détail montre incontestablement qu’on a affaire à un travail de verrerie sophistiqué.
Observez les pierres précieuses de la robe, précisément celles sur l’épaule et le sternum de la sibylle. Elles semblent comme incrustées avec leur cerclage de plomb. Indices d’une œuvre haut de gamme. Voici pourquoi.
Habituellement, un vitrail ressemble à un puzzle. Des pièces aux formes souvent compliquées s’emboîtent les unes dans les autres. Chaque morceau est enchâssé dans des baguettes de plomb.
Imaginez que ce puzzle contient quelques pièces bizarres. Des pièces percées d’un trou qu’on aurait bouché par une petite pièce ronde. C’est ce qu’on voit pour les pierres précieuses. Le verrier a pris une plaque de verre incolore, y a découpé un trou et, exploit ultime, y a logé un minuscule morceau de verre coloré et son plomb. Pour réussir cette insertion sans casser le verre, il faut être un artisan très doué. À juste titre, les historiens de l’art appellent cette technique un montage en chef-d’œuvre.
L’exercice peut vous sembler vain. Le verrier ne s’est-il pas compliqué la tâche ? Il aurait pu simplement peindre des zones bleue, grenat, verte sur la plaque de verre afin de figurer les pierres précieuses. Eh non ! Impossible.
Au moment de la création de ce vitrail, dans les années 1510, on n’est pas capable de peindre du bleu, du grenat ou du vert. Plus exactement, à l’exception du jaune et de la sanguine, on ne sait pas produire une peinture qui est à la fois transparente et qui tient à la cuisson. La faute à un manque de connaissance chimique. Face à cette limite, les artisans sont contraints de fabriquer des petits morceaux de vitrail bleu, grenat ou vert puis de les insérer dans une grande plaque de verre.
Cette technique, délicate, est surtout pratiquée au XVIe siècle. Voici donc votre prochaine mission lorsque vous lèverez les yeux sur un vitrail : repérez les montages en chef-d’œuvre. Pour les trouver facilement, cherchez les pierres précieuses d’un personnage, les étoiles d’un ciel, les pommes dans un arbre… La réalisation de ces détails invitait le verrier à la méthode de l’incrustation. En cas de découverte, lancez un « Chapeau, l’artiste ».
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