Zoom sur deux rosaces de la cathédrale de Chartres
Les grandes roses de Chartres fascinent tous les regards. Malgré leur taille, ces vitraux du XIIIe siècle ne sont pas pour autant lisibles quand on se trouve au niveau du sol. Voyons-les de plus près pour déchiffrer les nombreux personnages qui les habitent.
La cathédrale contient trois grandes rosaces (« roses » pour prendre le terme exact). Je vous détaille les deux qui éclairent le transept.
La rosace nord, dédiée à la Vierge

Composée essentiellement de verres rouges et bleus, cette rose mesure 10 m de diamètre. L’inclusion de losanges donne une certaine originalité à son dessin.
Ce vitrail glorifie la Vierge. Marie est en effet très vénérée à Chartres : non seulement la cathédrale lui est dédiée, mais aussi elle possède les reliques de sa « chemise ».

Au centre figure une classique Vierge à l’enfant. Jésus est assis sur ses genoux.

Le 1er cercle est occupé par des colombes et des anges très divers. Distinguez les anges thuriféraires (ils agitent un encensoir), les anges céroféraires (ils portent un cierge) et les séraphins.


Reconnaissables à leurs 6 ailes, les séraphins appartiennent aux rangs supérieurs des anges. On les trouve assez rarement dans les sculptures et les vitraux. Ils ont deux ailes dans le dos, deux sur le côté, les deux dernières se croisant sur le devant du corps.


Dans le 2e cercle trônent les rois de Juda et d’Israël. Juda (rien à voir avec Judas le traître) et Israël étaient deux royaumes antiques et rivaux qui occupaient l’actuel Israël. Parmi leurs souverains, vous connaissez au moins David et Salomon. Selon l’Ancien Testament, les rois de Juda et d’Israël, portant ici couronne et sceptre, sont les ancêtres du Christ.

Enfin, les petits prophètes peuplent le 3e cercle. Ils sont très peu connus, mais doivent leur postérité pour avoir été, chacun, l’auteur d’un court livre composant l’Ancien Testament (livre d’Osée, livre de Joël, livre de Jonas…)
Entre le 2e et le 3e cercles, s’intercalent des quadrilobes. Leur motif à fleurs de lys nous renseigne sur le donateur de l’œuvre : un roi de France. Précisément, il s’agit de saint Louis (1226-1270).
La rosace sud, dédiée à l’Apocalypse

De loin, ce vitrail ressemble beaucoup au précédent : même diamètre ou presque (10,5 m), même dominante bleue et rouge, même dessin (sauf les losanges devenus des cercles).
Cette rose illustre un thème abondamment représenté dans l’art religieux : l’Apocalypse. Dans ce texte incorporé au Nouveau Testament, saint Jean raconte ses visions sur la fin des temps, quand le Christ réapparaîtra sur terre.

Au centre trône le Christ sur un fond rouge. Il est « en gloire », c’est-à-dire resplendissant dans le ciel. D’une main, il bénit ; de l’autre il tient un calice, rappel de son sacrifice.


Autour du Christ gravitent des anges. Ceux-là sont presque tous des thuriféraires (souvenez-vous : ils parfument l’air avec leur encensoir).

Quelques intrus se glissent dans cette couronne : on repère quelques animaux ailés (lion, taureau, aigle, homme). Ils représentent les « quatre vivants« . Les exégètes de la Bible les assimilent aux 4 évangélistes : saints Marc, Luc, Mathieu et Jean.

Les deux dernières couronnes sont occupées par les 24 vieillards (ou Anciens), des personnages décrits par saint Jean dans sa vision :
« Autour du trône [de Dieu], je vis 24 trônes, et sur ces trônes 24 vieillards assis, revêtus de vêtements blancs, et sur leurs têtes des couronnes d’or ».
Apocalypse, chap. 4

Ces êtres spirituels et anonymes forment comme un conseil auprès du Christ/Dieu. Sur la rosace de Chartres, ils tiennent un instrument de musique (pour la louange de Dieu) et une sorte de vase, probablement un flacon d’encens.

Les fleurs de lys de la première rosace laissent place ici à un damier jaune et bleu : ce motif bicolore fait référence aux armoiries du donateur, Pierre Mauclerc, cousin de saint Louis et « duc » de Bretagne.
Lors de vos prochaines visites d’église, essayez de retrouver ces personnages fréquents dans les sculptures ou sur les vitraux : les anges thuriféraires, les anges céroféraires, les 24 vieillards et les rois de Juda. Vous n’aurez pas toujours besoin de jumelles pour les voir ; ils occupent souvent les portails des églises. Votre défi sera plutôt de trouver des séraphins, les anges à six ailes. Bonne chance !

Bonjour,
Très instructif, comme toujours. Et de très belles photos qui font comprendre une partie de la symbolique de ces vitraux.
Qu’en est il de la roue sur laquelle repose le séraphin ? Est ce en rapport avec le chariot d’Ezéchiel.
Et y a y il des rosaces ou plutôt une à l’Est ou à l’Ouest ?
Cordialement, Vincent
Merci Vincent. Je ne sais pas la signification de la roue. Claire, guide à la cathédrale, avançait l’hypothèse d’une étoile.
Il y a précisément trois grandes rosaces à Chartres. Dans cet article, je présente celles du sud et du nord. Il y a enfin celle en façade principale (donc ouest). Mais comme vous le suggérez, la cathédrale n’est pas parfaitement orientée. Le nord est plutôt nord-ouest.
Bonjour,
Merci Laurent pour ces gros plans sur des rosaces particulièrement éloquentes et mystérieuses à la fois. Il est difficile d’observer en détail ces merveilles …Merci donc pour leur décryptage clair et approfondi.Catherine
Je suis content que ces descriptions vous ont plu.
Grace à vous nous devenons des érudits super merci.
J’étais comme vous pour notre Dame pas d’apriori sur sa reconstruction tout en souhaitant que cela ne lui enlève pas son »âme »
Salutations entre érudits 🙂
merci pour vos beaux articles trés détaillés
Intéressant, merci
Bonjour, Laurent! Merci pour l’article. Une melange de beauté et connaissance très instructive et complète comme d’habitude. Comment vous avez résolu le problème de la distortion de perspective pour les photos des vitraux plus hauts? Vous utilisez un drone?
Merci ! Les photos ont une distorsion mais en prenant du recul et en utilisant un appareil-photo à téléobjectif, elle est presque imperceptible. Voilà le secret !
Bonjour
Comme toujours, vos articles sont intéressants et vivants. Toutefois, j’aimerai vous signaler une erreur commise sans cesse par la majorité des gens….à savoir le terme de « Rosace » pour évoquer les immenses verrières arrondies des édifices religieux à la place du terme adéquat qui est « LA ROSE ». La rosace, quant à elle, est un élément décoratif en forme de fleur. Merci d’y prendre garde. Bravo pour votre savoir faire et sens de la pédagogie.
Doublement merci : pour vos encouragements et votre rectificatif. Je suis d’accord avec votre remarque. On doit en effet dire « rose » pour désigner les grandes verrières circulaires.