Une donjon, un fossé et un rempart ne suffisent à rendre redoutable un château fort. Du Xe au XVe siècle, l’architecture militaire s’est perfectionnée en dotant les tours de mâchicoulis et de créneaux et en améliorant les meurtrières.
Le donjon et les autres tours : la force d’un symbole.
Impossible d’imaginer un château sans tour, c’est un peu comme si un chevalier partait au combat sans armure. Du sommet de la tour, les défenseurs aperçoivent l’irruption de l’ennemi. Et parfois de loin pour peu que la forteresse soit bâtie sur une éminence. Ce rôle de guet prémunit contre une attaque surprise et donne un peu de temps à la garnison de se préparer. C’est peut-être le moment de remonter le pont-levis.
Une fois l’ennemi parvenu au pied du château, le bénéfice des tours se confirme. Les défenseurs dominent les assaillants. Or, vous en conviendrez, mieux vaut se situer au-dessus de son adversaire que le contraire.
Mais ne regardons pas les tours uniquement sous l’angle militaire. L’architecture castrale est aussi un langage adressé aux paysans, aux passants ou aux visiteurs : attention, réside ici une personne puissante. La tour manifeste un certain rang dans la société.
Au fil du Moyen Âge, les châtelains multiplient donc les tours à leur résidence. Le donjon est complété de tourelles aux angles. Des tours rectangulaires puis rondes jalonnent l’enceinte. Puisqu’on parle d’enceinte…
L’enceinte : haute, multiple et maçonnée si possible
La vue de remparts de pierre ne doit pas faire oublier que certains châteaux se contentent d’abord de palissades pour défense. Mais, à partir du XIIe siècle, cette fragile constitution ne peut pas résister face aux machines de guerre qui envoient violemment de lourds projectiles.
Le maçonnage des murs devient indispensable. Et ça ne suffit pas toujours. Dans la mesure de leurs moyens, les châtelains épaississent les remparts pour encaisser les chocs, et les surélèvent pour empêcher l’escalade à l’aide d’échelles.
Face à de fortes murailles, les assaillants vont s’attacher à les fragiliser. Armés de pioches, ils en attaquent les bases ou les fondations dans l’espoir de créer cette fameuse brèche par laquelle ils s’engouffreront. En cas de succès, la prise du château n’est pourtant pas assurée. Car les forteresses les plus complexes, comme Château-Gaillard, Bonaguil ou Fougères, associent plusieurs enceintes. L’assiégeant doit donc franchir 2, 3 voire 4 lignes de remparts avant d’atteindre le donjon. En aura-t-il la patience et les moyens ?
Le fossé pour isoler le château fort
Creusé dans la terre ou la roche, le fossé met à distance l’ennemi et ses instruments de guerre (les échelles, les engins de jet, les tours d’assaut en bois). Seule solution pour s’approcher du château : combler le vide par des branchages et de la terre.
Les touristes prêtent peu d’attention aux fossés. Après tout, ce n’est que de la terre ou de la roche enlevée. Pourtant, regardez ces structures plus en détail. Observez par exemple leur profil : en U ou plutôt en V. Avantage au premier cas, car l’attaquant peinera à le descendre ou à l’escalader. Le fossé possède-t-il de l’eau ? Ce sont alors des douves. Il n’y a pas mieux pour contrarier l’adversaire dans son approche. Le fossé est-il enfin maçonné ? Dans ce cas, l’ennemi aura du mal à saper les fondations des murs.
La porte : une défense de plus en plus élaborée
Pourquoi s’embêter à créer une brèche alors qu’il existe déjà des passages dans la muraille : les portes ? Elles sont le point faible des châteaux. D’où le soin apporté à leur défense. Je vous invite à lire cet article où je parle des multiples obstacles et dispositifs imaginés par les hommes pour empêcher l’ennemi d’entrer.
Quand on pense « porte de château fort », on se figure forcément un pont-levis au-devant. Il apparaît tardivement, au XIIIe siècle. Pour les périodes antérieures, on utilise une passerelle fixe (dormante) ou retirable (volante) pour franchir le fossé.
À partir de ce même XIIIe siècle, les châteaux importants se dotent de portes vraiment monumentales. Au-delà des préoccupations défensives, ces massives constructions visent à impressionner l’ennemi comme le simple visiteur. Je le répète : l’architecture est aussi un langage.
Les hourds : le problème du bois
« La meilleure défense, c’est l’attaque ». Ce proverbe s’applique aux châteaux. Vous aurez beau opposer à l’assaillant un large fossé et des murs épais : si vous ne le gênez pas dans son entreprise de siège, il trouvera toujours un moyen de prendre votre forteresse. Autrement dit, une défense passive ne suffit pas ; un bon château doit mettre en place quelques aménagements pour une défense active. Lesquels ? Voici quatre options. Commençons par les hourds.
Les hourds sont des galeries en bois qui surplombent les murs et les tours. Cachés à l’intérieur, les défenseurs pointent leurs flèches dans les orifices qui percent le plancher. Par leur tir fichant (de haut en bas), ils menacent tout assaillant qui bat le pied de la muraille. Par exemple, ces sapeurs déjà rencontrés qui tenteraient de creuser la base ou le soubassement des murs.
Malheureusement ce dispositif de défense rapprochée est vulnérable au feu et surtout aux grosses pierres jetées par les machines de guerre. C’est la raison de leur abandon. Vous n’en verrez pas beaucoup qui subsistent. Au contraire des aménagements suivants :
Les mâchicoulis, un attribut militaire devenu décoratif
J’aime beaucoup la comparaison du spécialiste des châteaux forts, Jean Mesqui : les mâchicoulis sont comme des « diadèmes » qui couronnent les tours. C’est beau, mais rappelons que leur fonction première est militaire : comme les hourds, ils surplombent les murs et menacent les adversaires au-dessous, mais leur construction en pierre les rend plus solides. Apparus au XIIe siècle, ils se répartissent en mâchicoulis sur arcs et mâchicoulis sur consoles. Deux images éclairciront la distinction.
Les châtelains aiment tellement les mâchicoulis qu’après le Moyen Âge, ils continuent parfois d’en doter leur pacifique résidence. Regardez-les de plus près : ils ont pour particularité de ne pas avoir d’ouverture dans le sol. Dans ces conditions, ils sont inutilisables pour la défense. Ces faux ont seulement un caractère décoratif ou symbolique.
Merlons et créneaux
L’un ne va pas sans l’autre, mais ne les confondez pas.
Les merlons sont comme des dents de pierre au-dessus d’un rempart ou d’une tour alors que les créneaux sont les creux entre ces dents. Accessibles par le chemin de ronde, ces alternances de vides et de pleins permettent aux archers et arbalétriers de viser les assaillants tout en étant un minimum masqué.
Malgré ces protections et la hauteur, les défenseurs restent en partie vulnérables aux tirs ennemis et à une attaque par échelade. Pour les hommes prudents ou sournois, il existe heureusement des positions moins exposées que nous allons voir tout de suite.
Les meurtrières, un terme contesté
À l’intérieur des tours ou derrière les remparts, les archers et arbalétriers observent l’ennemi à travers d’étroites fentes verticales. Ce sont les meurtrières. Comme leur nom l’indique, des tirs fatals peuvent partir de ces ouvertures assez discrètes. Avouons que le terme est passé de mode. Les spécialistes des châteaux préférant aujourd’hui parler d’archères ou d’arbalétrières en référence aux armes utilisées.
La fenêtre de tir étant réduite, les bâtisseurs ont perfectionné le dispositif. D’où une floraison de formes diverses pour les meurtrières. Une fente horizontale (un croisillon) a parfois été ajoutée pour améliorer la visée à l’arbalète. À moins que ce soit un étrier — un élargissement à la base — afin de mieux balayer avec son arme les alentours. Amusez-vous à distinguer les dessins de ces archères ou arbalétrières.
À partir du XVe siècle, leur forme évolue afin d’être adaptée à l’utilisation des armes à feu. On ajoute généralement un trou rond dans le but de passer le fût du canon, de la couleuvrine ou de l’arquebuse. Les archères deviennent des archères-canonnières. Pour approfondir le sujet, je vous conseille cette interview d’un spécialiste des armes à feu dans les châteaux forts.
Maintenant que vous comprenez ces dispositifs tels que les tours, les créneaux ou les archères, repérez-les lors de vos prochaines visites. Vous serez en mesure d’estimer les capacités défensives de chaque château.
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