10 reliques incroyables du christianisme : de la larme de Jésus à l’âne voyageur

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Laurent Ridel

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Dans le catalogue très fourni des reliques chrétiennes, on peut trouver des morceaux parfois inattendus et des éléments insolites liés au Christ et à la Vierge.

Les reliques chrétiennes, c’est un peu comme un cabinet de curiosités : préparez-vous à y trouver des parties du corps pour le moins inattendues ! Certaines reliques, d’ailleurs, ne sont ni des restes corporels, ni même des objets : tout ce qui avait un lien, même lointain, avec Jésus ou la Vierge devenait précieux. Pour les églises, ces trésors étaient inestimables, attirant des foules de pèlerins venus en quête de guérison ou d’un vœu exaucé.

Lire aussi : Les reliques, trésors sacrés des églises

Entre légende et dévotion, ce patrimoine sacré touche parfois des sommets d’étrangeté

Le Saint Prépuce

De ce petit morceau de chair retranché lors de la circoncision du Christ, 18 églises en revendiquaient la possession dans l’Europe du Moyen Âge : l’abbaye de Charroux, la cathédrale du Puy-en-Velay, les basiliques de Conques et de Saint-Jean de Latran à Rome, la collégiale d’Anvers, Saint-Jacques de Compostelle…

La circoncision de l’Enfant Jésus
La circoncision de l’Enfant Jésus, peinture, XVe siècle, Musée des Beaux-Arts de Lyon

Dans la même veine, notez d’autres lieux qui estimaient détenir une dent du lait, ou le « saint nombril » de Jésus, autrement dit son cordon ombilical. Ces exemples témoignent de l’appétit des fidèles et des clercs pour les restes corporels du Christ alors même que, par son ascension au Ciel, la Terre en est normalement dépourvue. Grand collectionneur, le duc de Jean de Berry, frère du roi de France Charles V, conservait plusieurs reliques dignes d’un magasin de farce et attrapes : l’alliance de mariage de la Vierge, une coupe ayant servi aux noces de Cana, une épine de la couronne et un fragment du Buisson ardent.

Les reliques de l’âne de Vérone

Après que le Christ fut entré à Jérusalem, la légende explique qu’il rendit la liberté à sa modeste monture. L’âne partit vers l’ouest, mais se heurta à la Méditerranée. Miraculeusement les vagues s’aplanirent et la mer durcit. L’animal en profita pour marcher jusqu’en Italie où il termina sa vie. Une chapelle de Vérone conserve les restes de cet infatigable voyageur. 

Le christ des Rameaux
Des églises possédaient des statues de bois représentant Jésus monté sur une ânesse et qu’on déplaçait en procession notamment lors de la fête des Rameaux. Exemple ici du XVe siècle, exposé au musée du Moyen Âge à Paris, en provenance d’Allemagne du Sud.

Les larmes du Christ

Si on a bien réussi à retrouver le prépuce du Christ, ne soyons pas surpris qu’on ait mis la main sur une de ses larmes.

Depuis le XIe ou le XIIe siècle, l’abbaye de la Trinité-de-Vendôme conservait une larme que Jésus aurait versée sur la tombe de son ami Lazare. Les pèlerins s’en approchaient dans l’espoir de guérir leurs problèmes d’yeux, dont la cécité. Concrètement, la relique constitue un cas d’ »aberration minérale » selon l’historienne de l’art Isabelle Isnard : un cristal de roche emprisonnait une goutte d’eau. Nous perdons la trace de cette sainte Larme au XIXe siècle. 

Le suaire de Turin

Cette relique textile a fait couler beaucoup d’encre, car il correspondrait au linceul du Christ. Plus extraordinaire, l’image du crucifié se devine sur le tissu !

En 1988, une analyse au carbone 14 a conclu à une origine médiévale du suaire. Il n’aurait donc aucun lien avec le Christ. Toutefois, des scientifiques et des amateurs remettent en cause les conditions de l’analyse et donc la fiabilité des résultats. Comme l’Église refuse une nouvelle étude, la vérité sera difficile à établir. Chez les historiens, le débat existe aussi. Pour ma part, j’ai de fortes réserves sur l’authenticité (voir ma vidéo). Prudemment, le Vatican ne reconnaît pas le suaire comme une relique, mais comme une image.

linceul de Turin
Partie du linceul de Turin photographié par Giuseppe Enrie en 1931. On devine l’image du corps du Christ (Wikimedia Commons).

Le lait de la Vierge

En Europe, 69 sanctuaires revendiquaient la possession de ce lait dont Rocamadour ou la cathédrale de Laon. « Au XIIe siècle, les clercs [laonnais] n’étaient pas dupes de la nature de ce lait », explique l’universitaire Paule-Vincenette Bétérous. « Celui-ci était tenu pour de la poudre provenant de la grotte de Bethléem, donc une sorte de craie diluée, qui passait pour favoriser une lactation abondante ». Par contre, les fidèles saisissaient-ils cette subtilité ?

Vierge allaitante
Vierge allaitante, marbre, vers 1330-1350, Musée des Beaux-Arts de Lille.

La maison de la Vierge

Une relique ne se limite pas à des restes corporels. À Lorette, sur la rive italienne de mer Adriatique, on conserve depuis 1291 les murs de la maison de la Vierge, celle qu’elle habitait à Nazareth et dans laquelle elle reçut la visite de l’ange de l’Annonciation. Selon l’historien Yves-Marie Bercé, cette possession originale généra le plus grand et le plus fameux pèlerinage du monde occidental aux XVIe et XVIIe siècles.

Comme l’âne de Vérone, la construction a aussi traversé la Méditerranée, cette fois grâce à l’aide d’anges qui la transportèrent. Vous savez qui appeler pour votre prochain déménagement.

Les reliques des rois mages

Le Christ et la Vierge ne monopolisent pas les reliques les plus incroyables. La cathédrale de Cologne a l’insigne honneur de posséder les corps de Melchior, Balthazar et Gaspard. Ils trônent dans une superbe châsse longue de plus de 2 m. Quand l’empereur Frédéric Ier Barberousse s’empara de Milan, il récupéra les reliques et les offrit à l’archevêque de Cologne, ravi d’augmenter la réputation de son siège par un tel don. À la différence du saint Prépuce ou du lait de la Vierge, ces reliques sont uniques dans la chrétienté.

Le reliquaire des rois mages dans la cathédrale de Cologne
Le reliquaire des rois mages dans la cathédrale de Cologne, œuvre d’orfèvrerie fabriquée entre 1190 et 1225 par Nicolas de Verdun. Cette châsse est considérée comme le plus grand et le plus ambitieux reliquaire conservé du Moyen Âge (Elya/Wikimedia Commons)

La barbe de saint Pierre

Dans la cathédrale de Poitiers, les évêques et chanoines prêtaient serment, lors de leur intronisation, sur les « barbes de saint Pierre ». Apparemment l’apôtre en avait plusieurs. La changeait-il ? Une telle relique ne manqua pas de déclencher les sarcasmes du protestant Calvin. En fait, le reliquaire conservait selon un prêtre érudit du XIXe siècle « une portion de la mandibule inférieure » de l’apôtre, « à laquelle la barbe était encore adhérente » ! L’information ne manque pas de piquant.

La cathédrale Saint-Pierre de Poitiers
La cathédrale Saint-Pierre de Poitiers se devait d’avoir des reliques de son saint patron.

La sainte ampoule de Reims

Les moines de l’abbaye Saint-Remi de Reims étaient fiers d’être les gardiens d’une fiole originale : apportée par la colombe du saint Esprit, elle contenait une huile sacrée qui aurait servi à l’occasion du baptême de Clovis.

Traditionnellement, cette sainte ampoule sortait du monastère lors de chaque sacre dans la cathédrale de Reims afin que son contenu oigne le corps du roi de France à plusieurs endroits (…que j’oigne, tu oignes, qu’il oigne, que nous oignons 😮).  En 1793, un député conventionnel Rühl brisa la fiole en public afin de faire disparaître ce symbole monarchique. Mais un abbé aurait, la veille, retiré en cachette un peu du baume. Si bien qu’aujourd’hui l’archevêché de Reims déclare posséder encore du contenu de la sainte ampoule.

Sacre de Louis XII en 1498
Sacre de Louis XII en 1498. Détail d’une peinture du Puy d’Amiens, réalisé en 1502. Musée du Moyen Âge, Paris.

Le saint Mors

On parle ici de la pièce métallique que l’empereur Constantin utilisait pour conduire son cheval. Là encore, à défaut d’avoir des os du premier empereur chrétien, on se rabat sur des éléments supposés plus durables. La sacralité de l’objet était augmentée par son origine : il aurait été fabriqué à partir du fer d’un clou de la crucifixion.

Reliquaire du saint Mors dans l'ancienne cathédrale Saint-Siffrein de Carpentras
Reliquaire du saint Mors dans l’ancienne cathédrale Saint-Siffrein de Carpentras (Marianne Casamance/Wikimedia Commons)

L’historien Thierry Pécout s’est interrogé sur la présence saugrenue d’une telle relique à Carpentras. Pour lui, elle est le fruit d’une association métaphorique et linguistique entre un évêque de Carpentras nommé Siffrein et le mors. S’est opéré un double processus : d’abord un rapprochement sonore — « Siffrein » sonne comme « saint-frein » (saint-mors) — ; ensuite, parce que les récits hagiographiques ont associé le mors à la fonction pastorale de l’évêque. Saint Siffrein, en tant qu’évêque, incarne ainsi à la fois la figure de guide (comme un mors contrôle le cheval) et le protecteur spirituel de la cité de Carpentras, renforçant l’idée d’un « frein sacré » qui éloigne les maux et protège la communauté.

Pour ma part, j’étais bien éloigné de cette idée.

La liste des reliques incroyables pourrait être prolongée. Je compte sur vous pour le faire dans les commentaires.

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L’AUTEUR

Laurent Ridel

Ancien guide et historien, je vous aide à travers ce blog à décoder les églises, les châteaux forts et le Moyen Âge.

Ma recette : de la pédagogie, beaucoup d’illustrations et un brin d’humour.

Laurent Ridel

17 réponses à “10 reliques incroyables du christianisme : de la larme de Jésus à l’âne voyageur”

  1. Avatar de Gérard LEPLAT
    Gérard LEPLAT

    Bonjour Laurent.
    Dans la ville où je réside, Joigny dans l’Yonne, une épine de la sainte couronne du Christ fut donnée par saint Louis en remerciement au comte de Joigny qui l’avait accompagné lors des croisades. Elle fut mise dans un reliquaire et conservée dans l’église Saint-Jean. Celle-ci fut foulée aux pieds par un révolutionnaire exalté et disparut à jamais.

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Merci pour ce signalement. Les épines de la couronne furent en effet largement distribuées.

  2. Avatar de Denis Reitmayer
    Denis Reitmayer

    Encore un superbe article sur reliques que possèdent différentes églises, je ne connaissait pas la plusparts de ces reliques. La Religion Catholique possède vraiment beaucoup de reliques, comme par exemple les clous de la crucifixion, j’ai d’ailleurs lu sur un autre support que l’ensemble des clous permettrais de construire un bateau en bois.
    Merci pour tous vos renseignements.

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Oui, cette prolifération de reliques est souvent support à moquerie. Comme les multiples têtes de saint Jean Baptiste conservées en Europe qui font penser que Jean était une réincarnation de l’hydre de Lerne.

  3. Avatar de Jean-Pierre VILA
    Jean-Pierre VILA

    La plus belle des reliques, reste sans doute le crâne de Jésus enfant, conservé secrètement par un certain Frère Jean dans un monastère tenu se secret…

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      🙂

  4. Avatar de Bernard Habsch
    Bernard Habsch

    Je suis vraiment heureux d’avoir pu apprendre tant de bonnes choses sur ce qu’on appelle populairement les bondieuseries. Le crédulité est une des forces de l’humanité. Notre temps en invente tous les jours. Merci pour ce bel article plaidé avec la verve nécessaire.

  5. Avatar de André BEDEAU
    André BEDEAU

    Pour le chapitre sur le prépuce du christ, Jean de Berry n’est-il pas le frère de Charles V et non de Charles VII ?

    Vos articles sont toujours très instructifs et interessants.

    Merci

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Je suis d’accord avec vous. Je corrige. Merci.

  6. Avatar de du Noyer
    du Noyer

    Bonjour,

    Je viens de visionner votre vidéo sur le saint suaire, dont j’ignorais l’existence (la vidéo pas le saint suaire) et je suis sidéré par la faiblesse de votre argumentation. Je vous pensais beaucoup plus curieux et érudit…
    Vous ne parlez pas des polenes de l’époque du Christ, ni de la pièce de monnaie décelée au microscope, ni de l’ignorance au Moyen-âge de l’emplacement des clous dans les poignées et les chevilles, ni du groupe sanguin (car ce n’est pas de la peinture !), ni des centaines d’indices qui correspondent aux données historiques et médicales inconnues au XIII ème siècle et j’en passe… Peu de science éloigne de Dieu…

    Lisez et étudiez avant de faire des vidéos !

    Cela est également vrai de certaines de vos interprétations d’architecture…C’est dommage car vous avez un réel talent pour faire connaître notre patrimoine religieux, mais la culture Wikipedia n’est pas suffisante !

    Bon dimanche !

    1. Avatar de Laurent Ridel
      Laurent Ridel

      Bonjour Alexandre,
      Soyez rassuré : je n’écris pas mes articles ou mes vidéos à partir de Wikipédia. Tous les arguments que vous avancez et que je connais ont été démontés. Le but de ma vidéo était de remettre en avant les arguments historiques, souvent oubliés dans le débat. Pour vous répondre brièvement, l’étude sur les pollens donne des résultats bizarres : il se trouve en effet des pollens typiques de la Judée mais d’autres qui n’y figurent pas. L’existence des pièces de monnaie est un exemple de paréidolie : voir des formes d’objets réels dans un ensemble confus. La présence de sang n’a été validée par aucune étude scientifique et si elle s’avère vraie, elle ne contredit pas la présence de peinture puisque le rouge était parfois fait à partir de sang. Il est de toute façon peu probable qu’on retrouve du sang sur un linceul : un corps est lavé avant d’être enseveli.

  7. Avatar de Reginaldo Antonio Maia
    Reginaldo Antonio Maia

    Bonjour Laurent,
    Sigo com prazer seu email dominical, onde aprendo muito sobre a Idade Média.
    Parabéns por manter viva, na França, esta cultura cristã ocidental.
    Não deixe que o Islam a faça desaparecer. Eles que mantenham viva a sua cultura em seus paises.
    Merci, Reginaldo.
    P.S. – La prochaine fois, j’essaierai de m’exprimer en français.

  8. Avatar de Catherine Rosu
    Catherine Rosu

    Bonjour
    Juste un petit rectificatif au sujet du prépuce de Jésus. Je vous rassure , la circoncision ne consiste en aucun cas à couper un morceau de chair, ouille !!! du gland du pénis mais à couper la surface de peau qui recouvre la tête du pénis. Les rabbins ne sont pas des bouchers.

    En dehors de cela, vos articles sont toujours aussi bons et agréables à lire. Merci
    Cordialement

  9. Avatar de Véronique EPLE
    Véronique EPLE

    Article fort intéressant et démontre une fois de plus la crédulité des croyants envers ces reliques.
    La science dans la mesure du possible peut démontrer la naïveté de celles-ci.
    Cordialement

  10. Avatar de Ceret
    Ceret

    La religion regorge de tous ces artifices qui relèvent de la magie…. tout cela n’est pas très sérieux, un peu de bon sens et l’on revient bien vite à la religion pure. Cependant il faut noter que ces reliques étaient très prisésee au Moyen Age, époque ou les gens ’n’étaient pas tous très instruits, et croyaient très facilement ce que les  » instruits » leur disaient , et puis cela les aidait à supporter une vie si rude , ils se réfugiaient dans la religion comme on disait …. tout cela est extrêmement passionnant et une gous de plus merci à Laurent.

  11. Avatar de jean-philippe Gouet
    jean-philippe Gouet

    Merci Laurent, pour ces magnifiques illustrations!
    Instructif et un régal de voir l’imagination fertile de nos ancêtres pour s’approprier le divin; le besoin de Croire nous fait faire bien des folies.

  12. Avatar de MTB 2022
    MTB 2022

    La plus drôle : sainte Foy de Conques
    La plus « façon puzzle » : saint Jacques de Compostelle ( voir carte)

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