Dans le catalogue très fourni des reliques chrétiennes, on peut trouver des morceaux parfois inattendus et des éléments insolites liés au Christ et à la Vierge.
Les reliques chrétiennes, c’est un peu comme un cabinet de curiosités : préparez-vous à y trouver des parties du corps pour le moins inattendues ! Certaines reliques, d’ailleurs, ne sont ni des restes corporels, ni même des objets : tout ce qui avait un lien, même lointain, avec Jésus ou la Vierge devenait précieux. Pour les églises, ces trésors étaient inestimables, attirant des foules de pèlerins venus en quête de guérison ou d’un vœu exaucé.
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Entre légende et dévotion, ce patrimoine sacré touche parfois des sommets d’étrangeté
Le Saint Prépuce
De ce petit morceau de chair retranché lors de la circoncision du Christ, 18 églises en revendiquaient la possession dans l’Europe du Moyen Âge : l’abbaye de Charroux, la cathédrale du Puy-en-Velay, les basiliques de Conques et de Saint-Jean de Latran à Rome, la collégiale d’Anvers, Saint-Jacques de Compostelle…
Dans la même veine, notez d’autres lieux qui estimaient détenir une dent du lait, ou le « saint nombril » de Jésus, autrement dit son cordon ombilical. Ces exemples témoignent de l’appétit des fidèles et des clercs pour les restes corporels du Christ alors même que, par son ascension au Ciel, la Terre en est normalement dépourvue. Grand collectionneur, le duc de Jean de Berry, frère du roi de France Charles V, conservait plusieurs reliques dignes d’un magasin de farce et attrapes : l’alliance de mariage de la Vierge, une coupe ayant servi aux noces de Cana, une épine de la couronne et un fragment du Buisson ardent.
Les reliques de l’âne de Vérone
Après que le Christ fut entré à Jérusalem, la légende explique qu’il rendit la liberté à sa modeste monture. L’âne partit vers l’ouest, mais se heurta à la Méditerranée. Miraculeusement les vagues s’aplanirent et la mer durcit. L’animal en profita pour marcher jusqu’en Italie où il termina sa vie. Une chapelle de Vérone conserve les restes de cet infatigable voyageur.
Les larmes du Christ
Si on a bien réussi à retrouver le prépuce du Christ, ne soyons pas surpris qu’on ait mis la main sur une de ses larmes.
Depuis le XIe ou le XIIe siècle, l’abbaye de la Trinité-de-Vendôme conservait une larme que Jésus aurait versée sur la tombe de son ami Lazare. Les pèlerins s’en approchaient dans l’espoir de guérir leurs problèmes d’yeux, dont la cécité. Concrètement, la relique constitue un cas d’ »aberration minérale » selon l’historienne de l’art Isabelle Isnard : un cristal de roche emprisonnait une goutte d’eau. Nous perdons la trace de cette sainte Larme au XIXe siècle.
Le suaire de Turin
Cette relique textile a fait couler beaucoup d’encre, car il correspondrait au linceul du Christ. Plus extraordinaire, l’image du crucifié se devine sur le tissu !
En 1988, une analyse au carbone 14 a conclu à une origine médiévale du suaire. Il n’aurait donc aucun lien avec le Christ. Toutefois, des scientifiques et des amateurs remettent en cause les conditions de l’analyse et donc la fiabilité des résultats. Comme l’Église refuse une nouvelle étude, la vérité sera difficile à établir. Chez les historiens, le débat existe aussi. Pour ma part, j’ai de fortes réserves sur l’authenticité (voir ma vidéo). Prudemment, le Vatican ne reconnaît pas le suaire comme une relique, mais comme une image.
Le lait de la Vierge
En Europe, 69 sanctuaires revendiquaient la possession de ce lait dont Rocamadour ou la cathédrale de Laon. « Au XIIe siècle, les clercs [laonnais] n’étaient pas dupes de la nature de ce lait », explique l’universitaire Paule-Vincenette Bétérous. « Celui-ci était tenu pour de la poudre provenant de la grotte de Bethléem, donc une sorte de craie diluée, qui passait pour favoriser une lactation abondante ». Par contre, les fidèles saisissaient-ils cette subtilité ?
La maison de la Vierge
Une relique ne se limite pas à des restes corporels. À Lorette, sur la rive italienne de mer Adriatique, on conserve depuis 1291 les murs de la maison de la Vierge, celle qu’elle habitait à Nazareth et dans laquelle elle reçut la visite de l’ange de l’Annonciation. Selon l’historien Yves-Marie Bercé, cette possession originale généra le plus grand et le plus fameux pèlerinage du monde occidental aux XVIe et XVIIe siècles.
Comme l’âne de Vérone, la construction a aussi traversé la Méditerranée, cette fois grâce à l’aide d’anges qui la transportèrent. Vous savez qui appeler pour votre prochain déménagement.
Les reliques des rois mages
Le Christ et la Vierge ne monopolisent pas les reliques les plus incroyables. La cathédrale de Cologne a l’insigne honneur de posséder les corps de Melchior, Balthazar et Gaspard. Ils trônent dans une superbe châsse longue de plus de 2 m. Quand l’empereur Frédéric Ier Barberousse s’empara de Milan, il récupéra les reliques et les offrit à l’archevêque de Cologne, ravi d’augmenter la réputation de son siège par un tel don. À la différence du saint Prépuce ou du lait de la Vierge, ces reliques sont uniques dans la chrétienté.
La barbe de saint Pierre
Dans la cathédrale de Poitiers, les évêques et chanoines prêtaient serment, lors de leur intronisation, sur les « barbes de saint Pierre ». Apparemment l’apôtre en avait plusieurs. La changeait-il ? Une telle relique ne manqua pas de déclencher les sarcasmes du protestant Calvin. En fait, le reliquaire conservait selon un prêtre érudit du XIXe siècle « une portion de la mandibule inférieure » de l’apôtre, « à laquelle la barbe était encore adhérente » ! L’information ne manque pas de piquant.
La sainte ampoule de Reims
Les moines de l’abbaye Saint-Remi de Reims étaient fiers d’être les gardiens d’une fiole originale : apportée par la colombe du saint Esprit, elle contenait une huile sacrée qui aurait servi à l’occasion du baptême de Clovis.
Traditionnellement, cette sainte ampoule sortait du monastère lors de chaque sacre dans la cathédrale de Reims afin que son contenu oigne le corps du roi de France à plusieurs endroits (…que j’oigne, tu oignes, qu’il oigne, que nous oignons 😮). En 1793, un député conventionnel Rühl brisa la fiole en public afin de faire disparaître ce symbole monarchique. Mais un abbé aurait, la veille, retiré en cachette un peu du baume. Si bien qu’aujourd’hui l’archevêché de Reims déclare posséder encore du contenu de la sainte ampoule.
Le saint Mors
On parle ici de la pièce métallique que l’empereur Constantin utilisait pour conduire son cheval. Là encore, à défaut d’avoir des os du premier empereur chrétien, on se rabat sur des éléments supposés plus durables. La sacralité de l’objet était augmentée par son origine : il aurait été fabriqué à partir du fer d’un clou de la crucifixion.
L’historien Thierry Pécout s’est interrogé sur la présence saugrenue d’une telle relique à Carpentras. Pour lui, elle est le fruit d’une association métaphorique et linguistique entre un évêque de Carpentras nommé Siffrein et le mors. S’est opéré un double processus : d’abord un rapprochement sonore — « Siffrein » sonne comme « saint-frein » (saint-mors) — ; ensuite, parce que les récits hagiographiques ont associé le mors à la fonction pastorale de l’évêque. Saint Siffrein, en tant qu’évêque, incarne ainsi à la fois la figure de guide (comme un mors contrôle le cheval) et le protecteur spirituel de la cité de Carpentras, renforçant l’idée d’un « frein sacré » qui éloigne les maux et protège la communauté.
Pour ma part, j’étais bien éloigné de cette idée.
La liste des reliques incroyables pourrait être prolongée. Je compte sur vous pour le faire dans les commentaires.
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