Le célèbre roman de Ken Follett, Les piliers de la Terre, se déroule au temps des bâtisseurs de cathédrales. Précisément au moment où l’architecture gothique remplace l’architecture romane. Sous sa plume, ce moment charnière est raconté avec talent. Extraits.
Pour qui s’intéresse au monde des cathédrales, un livre est incontournable : les Piliers de la Terre, écrit par le Gallois Ken Follett et sorti en 1989. Ce roman historique se situe dans l’Angleterre du XIIe siècle et suit, entre autres, les aventures de deux bâtisseurs d’églises, Tom et Jack. Le second découvre l’architecture gothique en France et, fasciné, tente de l’appliquer pour son propre chantier : la cathédrale de Kingsbridge.
Avec pédagogie, l’écrivain nous explique la révolution gothique, et en quoi elle tranche avec les constructions romanes. Tout cela dans le cadre d’une histoire.
L’écrivain décrit une église romane
Vers l’an 1135, Tom le bâtisseur arrive dans la petite ville de Kingsbridge. Une cathédrale archaïque y trône. On devine que c’est une église romane de la première génération.
« La cathédrale de Kingsbridge n’était pas bien accueillante. C’était une construction massive et trapue, avec des murs épais et de minuscules fenêtres, construites bien avant l’époque de Tom, du temps où les bâtisseurs ne connaissaient pas l’importance des proportions. »
Le bâtiment a d’autant plus triste mine qu’une des tours de la façade a chu. Tom espère donc que le chef local, le prieur Philip, l’embauchera pour son remontage. Son attente est récompensée bien au-delà de ses espoirs. Le lendemain de son arrivée, comme par hasard, un incendie détruit presque tout le monument. Le prélat confie à Tom la reconstruction entière de l’église.
Une église romane 2.0
Dans son projet, l’architecte Tom imagine un édifice encore roman. Eh oui, l’architecture gothique n’est pas née. Néanmoins, le bâtisseur compte bien apporter quelques nouveautés, à l’image des autres églises qui se construisent à l’époque :
« Plus hautes, plus grandes et — surtout — moins sombres, les églises modernes étaient conçues pour mettre en valeur les tombes importantes et les saintes reliques que les pèlerins venaient voir. Aujourd’hui, de plus en plus, les cathédrales comportaient des autels secondaires et des chapelles spéciales consacrées à des saints particuliers. Une église bien conçue répondant aux multiples exigences des assemblées d’aujourd’hui attirait beaucoup plus de fidèles et de pèlerins que Kingsbridge ne pouvait en accueillir pour l’instant ; et, par là même, deviendrait très rentable ».
Saint-Denis et le secret de l’architecture gothique
Tom ne terminera pas la cathédrale de Kingsbridge. Il est tué lors du sac de la ville.
Après quelques péripéties, son fils adoptif Jack reprend le chantier. Or, le jeune homme revient de France où il a vu l’abbaye Saint-Denis. Là-bas, l’abbé Suger expérimente un nouveau langage architectural : le gothique. Tom se souvient du choc reçu lors de sa visite du chantier français :
« Comme il arriva près du chœur, il éprouva une impression étrange. Toute cette lumière qui emplissait le grand vaisseau vide du sanctuaire pénétrait, remarqua-t-il, par des rangées de hautes fenêtres, dont certaines en vitraux colorés. Comment avait-on pu multiplier ainsi les ouvertures ? On aurait dit qu’il y en avait plus en surface que de murs ».
Pour comprendre ce miracle, Jack étudie attentivement la technique de construction.
« Pris d’une sorte de transe, il fit le tour du côté incurvé, où les nervures s’élevaient au-dessus de sa tête comme les branches parfaites d’une forêt d’arbres en pierre ».
Jack remarque que l’église ne repose pas sur les murs, mais plutôt sur un « squelette » de pierre constitué de nervures, de colonnes et de piliers. Grâce à cette structure portante, « le reste de la construction pouvait être en maçonnerie légère, en verre ou même vide. Jack était fasciné ».
Une cathédrale gothique qui s’élance vers le ciel anglais
De retour en Angleterre, l’architecte Jack est impatient d’appliquer les idées de Saint-Denis au chantier de Kingsbridge. Au bout d’une quinzaine d’années, la nouvelle cathédrale est sortie de terre.
Lors de sa première visite, le seigneur William – le méchant de l’histoire – est obligé de reconnaître la beauté et l’audace du monument :
« Cette construction tenait du miracle. Tout était trop grand, trop élancé, trop gracieux et trop fragile pour tenir debout. Il n’y avait pas de murs, rien pour soutenir le toit qu’une rangée de fins piliers s’élançant vers le ciel. Comme tous ceux qui l’entouraient, William se démancha le cou pour regarder en haut et constata que les piliers s’incurvaient dans la courbe du plafond pour se rencontrer au faîte de la voûte comme les branches entremêlées des vieux ormes de la forêt ».
Ce sont aussi les vitraux qui captent l’œil du visiteur :
« la lumière de l’extérieur brillait à travers le verre de couleur en l’illuminant et l’effet était magique ».
Et l’auteur de conclure :
« Kingsbridge et son prieuré étaient riches, la cathédrale proclamait leur prospérité ».
Les Piliers de la Terre comme fil conducteur
Il y a une dizaine ou une quinzaine d’années, j’ai lu ce livre d’environ 1000 pages. À l’occasion de ce blog, je l’ai feuilleté. Verdict : les Piliers de la Terre sont une introduction distrayante à celui qui veut comprendre l’architecture et la construction des églises médiévales. Je vous le conseille donc, au-delà de la qualité de l’intrigue.
Les connaisseurs y dénicheront quelques erreurs et anachronismes, mais l’auteur Ken Follett s’est généralement bien documenté. D’où cette idée : et si j’utilisais ce roman pour vous présenter d’autres sujets : le fonctionnement d’un chantier, ses aléas, le rôle de l’architecte… Quitte parfois à pointer le décalage entre le roman et la réalité historique. Cela rendrait probablement mes explications plus vivantes, notamment à ceux qui ont lu l’ouvrage.
À ce propos, l’avez-vous lu ? Dans ce cas, qu’en avez-vous pensé ?
Merci à Alice Grownup de m’avoir inspiré ce billet. Les illustrations sont tirées du livre et du site de Ken Follett.
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