En 1999, sort au cinéma « Jeanne d’Arc » réalisé par Luc Besson. Le spectateur peut notamment y voir une reconstitution du siège d‘Orléans en l’an 1429. Cet épisode militaire est-il fidèlement reproduit ?
Le 29 avril 1429, Jeanne d’Arc réussit à entrer dans Orléans malgré le siège des Anglais. Depuis 7 mois, la ville résiste. L’arrivée de la jeune femme ravive les défenseurs d’autant qu’une armée de secours et des chariots de vivres l’accompagnent. Aussitôt les Français passent à l’offensive pour desserrer l’étau sur la ville. Dans son film dédié à la future sainte, Luc Besson consacre 45 min à la levée du siège d’Orléans. L’occasion de voir comment une armée du XVe siècle s’emparait d’une fortification. Cependant cette reconstitution historique n’est pas exempte d’erreurs ou de maladresses.
Quand les assiégeants se retrouvent assiégés
Le siège d’Orléans ne se résume pas à un affrontement entre des Français recroquevillés dans la ville et des Anglais massés au pied des remparts. Ce plan montre l’originalité du siège. Les Français se tiennent dans la ville représentée sous la forme d’un rectangle. Faute d’effectif suffisant, les Anglais ne l’encerclent pas totalement. Autour de la cité, ils ont créé une succession de petites fortifications où ils s’enferment la plupart du temps. Le but étant d’empêcher une armée française de secourir la ville (mission où ils échoueront en partie). Le second objectif de ces verrous est de se protéger contre une sortie surprise de la garnison orléanaise. Parfois, les assiégés peuvent en effet se transformer en assaillants.
A distance d’Orléans, les Anglais s’enferment donc dans des bastilles. Ces fortins sont généralement construits à l’économie, c’est-à-dire en bois et en terre. Pour forcer les Anglais à lever le siège d’Orléans, Jeanne et ses compagnons devront s’emparer de chaque bastille. Dans le film, la prise de la première bastille (celle de Saint-Loup) ne pose pas de problème. Regardez sa minable défense : la palissade s’affaisse vers l’extérieur et le fossé à ses pieds ressemble plutôt à une rigole. Il ne faut pas s’étonner que, dans le film, le cheval de Jeanne saute l’obstacle. Sur cette fortification, l’équipe de reconstitution a été un peu légère.
A l’assaut !
Les Français ont beaucoup plus de difficultés dans la prise du fort des Tourelles. C’est une porte fortifiée qui défend l’accès au pont sur la Loire. A la différence de la bastille précédente, l’ouvrage est en dur et préexistait à l’arrivée des Anglais.
Enhardis par la Pucelle, les soldats français s’élancent à l’assaut des murs. Pour cela, ils appliquent des échelles contre les courtines. Cette attaque par échelade est une manœuvre dangereuse. L’ennemi accable les audacieux combattants de projectiles, flèches et pierres principalement. Parfois, les défenseurs arrivent à repousser les échelles, provoquant la chute des assaillants. Gare à la réception au sol.
Les Français s’agglutinent aux pieds des échelles comme des fans se précipitent au pied de la scène lors d’un concert de leur idole. Le film aurait été un peu plus réaliste en montrant des archers restés en retrait afin de viser les défenseurs en haut des courtines.
Pour avancer protégés jusqu’aux remparts, les assaillants du Moyen Âge utilisent des tours roulantes comme celle ci-dessous. Astucieuse, Jeanne a détourné l’usage de ce beffroi. Elle le fait basculer dans le fossé et contre la porte de la fortification : la tour devient un pont de fortune vers l’entrée défoncée. Une scène inventée par Luc Besson. Mais pourquoi pas ?
Plus traditionnellement, les attaquants d’une fortification utilisent un bélier pour forcer une porte. Dans le film, les Français en ont construit un de fortune : c’est un chariot rempli de troncs en fait. L’impact contre la porte réussit d’autant mieux que les vantaux ont déjà été fragilisés par des flèches enflammées.
Jeanne d’Arc prend un peu trop de risque
Dans le film, Luc présente Jeanne d’Arc comme une leader plus que comme une combattante. Elle galvanise les Français, force les capitaines à l’offensive mais elle ne taillade pas dans la mêlée anglaise. Toujours à ses côtés, le seigneur Jean d’Aulon la protège des mauvais coups. C’est conforme à ce que les sources nous racontent. Au lieu de l’épée, la Pucelle tient fermement un étendard blanc qui atteste son pouvoir de commandement militaire. Devant ses juges, la jeune femme se défendra d’avoir tué la moindre personne lors des combats.
Dans le détail, on peut reprocher au film quelques scènes peu crédibles. Ainsi, quand la Pucelle grimpe une échelle et qu’une flèche la frappe à la poitrine. Avouez que le réalisateur l’a envoyée au casse-pipe. Où est son casque ? Où est son bouclier ? Un peu léger pour affronter les Anglais. Certes Jeanne ne sait pas se battre mais dans la vraie histoire, ses compagnons d’armes ne l’auraient pas envoyée à l’assaut avec une panoplie défensive aussi incomplète.
Côté défense anglaise
Pour le plaisir des spectateurs, Luc Besson et son équipe se sont amusés à inventer des armes fantaisistes mais impressionnantes. Donc, non le « porc-épic », cette arbalète géante capable d’envoyer d’un coup des dizaines de traits, n’existe pas. Pas plus que ces tunnels dans lesquels les assiégés plongent des boulets afin de dégommer comme au bowling les Français. On imagine quelle vulnérabilité offriraient ces tunnels : pour peu qu’un boulet ne roule pas à l’intérieur, il suffit à l’assaillant de pénétrer dans la galerie afin de se retrouver à l’intérieur de la forteresse. Dans ces conditions, pourquoi s’embêter à passer au-dessus du rempart ?
Dans une scène où les Français s’engouffrent par une porte défoncée, les Anglais leur versent sur la tête un liquide non identifié. J’en profite pour marteler ce message : non, on ne jetait pas d’huile bouillante lors des sièges de châteaux. Beaucoup trop onéreux à produire. Vous imaginez la quantité d’huile !
Dans le film, les Anglais ne font pas face à une opposition vraiment effrayante. Par exemple, les Français n’utilisent pas d’artillerie à poudre alors que le récit historique de la bataille évoque des bombardes. L’équipe de reconstitution s’est contentée de montrer l’emploi de l’artillerie classique, c’est-à-dire des machines de jet. Et encore, on n’en compte qu’une seule, en l’occurrence un trébuchet. Ce genre d’engin est capable de projeter des boulets de pierre d’une centaine de kilogrammes et donc fracasser les murailles à force de répéter les tirs au même endroit. Seul défaut : sa cadence plafonne à un ou deux jets par heure. Suffisant pour que les Anglais puissent prendre le thé tranquillement.
Un mauvais film ?
Comprenez le sens de cet article. Mon but n’est pas de discréditer le film Jeanne d’Arc. Au contraire, j’applaudis le courage de l’avoir réalisé. Le genre historique pose en effet un certain nombre de difficultés à s’en arracher les cheveux : reconstituer les décors, se garder des anachronismes, connaître les mœurs et usages du temps. C’est la raison pour laquelle si peu de films sur le Moyen Âge sortent.
Luc Besson a relevé le défi. Pour mon plus grand plaisir. C’est un moment d’histoire rendu vivant. A défaut de vivre cette époque, j’en ai une évocation grâce au cinéma.
Oui quelques scènes de Jeanne d’Arc sont peu crédibles. Oui, d’autres sont carrément fantaisistes. Néanmoins, je trouve que l’équipe a globalement fait l’effort de respecter le déroulement des événements et de reconstituer fidèlement un siège médiéval. Bref, un film que je recommande pour saisir comment la guerre se pratiquait à la fin du Moyen Âge.
Si vous connaissez d’autres bons films sur le Moyen Âge, indiquez-le en commentaire. Partagez votre avis sur l’œuvre de Luc Besson
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