Comment sculptait-on au Moyen Âge ? Quelle pierre fallait-il choisir ? Et si je demandais à des tailleurs et des sculpteurs qui perpétuent aujourd’hui les techniques anciennes.
Au pied de la cathédrale de Bayeux en Normandie, j’ai rencontré trois tailleurs et sculpteurs de pierre à qui j’ai pu poser quelques questions sur les techniques médiévales : le choix de la pierre et du sujet, le dessin des formes… Ce qui est bien quand on discute avec des artisans, c’est qu’on glane des informations qu’on ne trouve généralement pas dans les livres ou sur Internet.
Favoriser le ruissellement de l’eau
Aujourd’hui retraité, Alain Mainhagu est aussi grand que son talent : il sait tailler, graver et sculpter. Ses 45 ans d’expérience font qu’on écoute ses recommandations : quand on sculpte une statue ou même quand on taille un simple bloc, gare à ce qu’elles ne deviennent pas « des pièges à eau », prévient-il. L’artisan doit s’interdire les surfaces horizontales ou les creux en forme de réceptacle. Sinon, l’eau y stagne, s’y infiltre. Et quand le gel arrive, la pierre éclate. Tout est à remplacer.
A l’inverse, les profils des blocs doivent favoriser le ruissellement de l’eau. Moi qui croyais que les formes données à la pierre obéissaient seulement à des principes esthétiques ou architecturaux. Je regarderai avec plus d’attention les parties sculptées d’une église pour comprendre en quoi l’écoulement de l’eau est facilité.
Choisir une bonne pierre à sculpter
Courte barbe blanche, Pierre Le Renard est en train de dégager une tête de Christ dans un bloc. Son matériau ? « Du Caen » comme il dit. Traduire : de la pierre de Caen. A la différence du granite ou du grès, cette pierre calcaire normande se caractérise par son grain fin et sa relative tendresse. D’où sa facilité à être taillée et surtout sculptée.
Cependant, met en garde Pierre, les artisans du Moyen Âge avaient rarement le choix de leur matériaux. « Ils faisaient avec ce qu’ils avaient sous les pieds ». Autrement dit, on travaillait avec la pierre locale, le transport des pondéreux coûtant beaucoup trop cher.
Exagérer les traits
Jean-Christophe Yvon est le plus jeune de la bande des 3 artisans. Cela fait quatre ans qu’il sculpte comme professionnel. Gouge et massette en main, il façonne avec précision et sûreté une chauve-souris d’inspiration gothique. Et ce sans photo à l’appui.
« Les gens du Moyen Âge sculptaient les animaux du quotidien » explique Jean-Christophe. « Des rats, des chiens… » et… des chauves-souris. Quitte à associer sur la même sculpture des parties de différents animaux. Par exemple un corps de chien avec une tête d’oiseau. C’est ce qu’on appelle des chimères.
Selon lui, voici le secret d’une bonne sculpture animalière : « Il faut prendre conscience que la sculpture sera installée à 20 ou 30 m de haut. Donc son regard devra se diriger vers le bas, vers les gens au sol. Il faudra aussi exagérer les traits, accentuer les arêtes pour que l’animal soit bien visible et contrasté malgré la hauteur ».
Pour en savoir plus
- Habitant de la Manche, Alain Mainhagu propose des ateliers sur la taille et la sculpture de la pierre. Même pour total débutant. On y retrouve souvent son compère Pierre Le Renard. Contact : mainhagualain [@] gmail.com.
- Maçon, tailleur et sculpteur, Jean-Christophe Yvon travaille entre autres sur des monuments historiques. Actuellement, il est sur le chantier de l’église Saint-Pierre de Caen. Sa page Facebook.
Merci à eux pour leur disponibilité et leur goût de transmettre.
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