Les églises romanes sont souvent sculptées de personnages, d’animaux et de formes incompréhensibles aujourd’hui. Voici cinq symboles dont je vous décode la signification.
À l’entrée des églises romanes ou au-dessus des colonnes, des personnages et des animaux peuplent les parties sculptées. En ce XXIe siècle, leur sens nous échappe généralement. Tout au plus, reconnaissons-nous ici une femme, ici un moine, là des lions ou des sirènes. Quelle est leur identification exacte ? Que symbolise-t-il ? Les cinq exemples suivants sont courants et devraient vous aider à mieux lire les images des églises romanes, mais aussi gothiques.
Le symbole de l’amande
Quand un personnage s’inscrit à l’intérieur d’une amande, on appelle cette forme une mandorle. À ne pas confondre avec le nimbe, cercle qui enveloppe uniquement la tête. Cependant, les deux formes revêtent à peu près la même signification. On a affaire à des personnages saints. La mandorle enferme généralement le Christ, Marie ou un grand saint.
C’est un moyen de figurer comme un halo de lumière autour d’eux. Manifestation du rayonnement des personnages divins ou célestes.
Dans d’autres contextes religieux ou mythologiques, l’amande rappelle la forme d’un œuf (qui renvoie à la création, à l’origine, à la fécondité) ou la forme d’un sexe féminin (qui renvoie à peu près à la même chose, à la naissance). L’étude des symboles peut nous emmener loin. Un peu trop parfois.
Le moine et la femme
C’est le genre d’association que l’on devine incompatible. Dans cette situation, la femme symbolise la tentation du plaisir charnel (jamais l’homme bien sûr qui est un être parfait 🙂 ). Le plaisir charnel, le péché des péchés pour un moine qui fait vœu de chasteté.
Il faut généralement voir saint Benoît dans le rôle du religieux. Et ce en référence à un épisode piquant de sa vie :
Benoît est alors un jeune ermite qui vit dans une grotte au cœur de l’Italie. Pour l’éprouver, le diable lui amène une femme. Mais pas n’importe laquelle. Une créature que Benoît a autrefois connu et admiré pour sa beauté. Cette soudaine apparition éveille en lui un feu de désir au point que le jeune homme envisage de renoncer à sa vie d’ermite pour cette femme. Benoît sent toutefois le péril. Vite il se déshabille, et se jette dans un fourré épais de ronces et d’orties. La brûlure est telle que son amour naissant s’éteint. Il ne succombera plus jamais à la volupté. Leçon pour vous : en cas d’appétit sexuel illégitime, roulez vous nus dans les orties.
Les démons
Ils sont partout au point qu’on doit en conclure que les chrétiens de l’époque romane (Xe-XIIe siècles) en étaient obsédés. Pour ces gens, le démon est en effet un personnage familier, sans qu’il apparaisse nécessairement sous une forme humaine. En permanence, il excite nos vices et nos passions : l’envie, la colère, le vol, l’orgueil…
La profusion d’images démoniaques dans ou à l’extérieur d’une église rappelle que l’existence sur Terre se vit comme une constante lutte contre Satan et la tentation. Le diable ne nous laisse aucun repos. Au-dessus d’une colonne, chaque chapiteau où il apparaît est donc comme une mise en garde et un appel à la vigilance.
Les démons peuplent aussi les tympans, c’est-à-dire les grandes zones sculptées au-dessus des portes des églises. Dans les scènes du Jugement dernier, ils se font un malin plaisir de tourmenter les damnés condamnés à l’Enfer éternel. Les malheureux sont embrochés, dévorés, jetés au feu. Certains mijotent dans une marmite bouillonnante. Pas sûr que le site Marmiton valide la recette. En tout cas, repérez ces scènes à la fois effrayantes et humoristiques (pour peu qu’on ne croit pas à l’Enfer).
Ce sera d’autant plus facile que les démons vous feront de l’œil : vous remarquerez à coup sûr ces êtres difformes, grimaçants, et contorsionnés. Une attitude à l’opposé des personnages saints, reconnaissables à leurs traits réguliers et à leur port droit.
Un homme au milieu des lions
Ce personnage courageux représente le prophète Daniel. Sa vie est racontée dans un livre de l’Ancien Testament. Le juif Daniel vit à la cour du roi de Babylone. Sur dénonciation, il est condamné à être jeté dans une fosse aux lions pour avoir enfreint un ordre royal. Les animaux, affamés, s’approchent, mais Daniel leur tourne le dos et prie Dieu. Miraculeusement, les félins ne le dévorent pas ; certains osent même lui lécher les pieds. Témoin de la scène, le roi en vient à retirer Daniel de la fosse et à lui restituer sa place à la cour.
Daniel symbolise la foi, cette croyance en Dieu, malgré l’adversité. Alors que dans la fosse beaucoup auraient été accaparés par la présence des lions, le condamné s’en remit à Dieu, confiant dans sa protection.
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Le symbole de la sirène
Mi-femme, mi-animal, les sirènes apparaissent dans L’Odyssée. Ce mythe grec raconte notamment comment le héros Ulysse résiste à leur chant alors que les autres marins se retrouvent attirés dans les flots ou vers les récifs à cause de leurs voix enchanteresses.
Comment ne pas être frappé par le fait que 2000 ans après Homère, les sirènes se retrouvent dans les églises du milieu du Moyen Âge ? Le christianisme a adopté ce monstre dans ses écrits. Avec une différence : alors que les sirènes antiques ressemblaient généralement à des femmes-oiseaux, les artistes du Moyen Âge les représentent plutôt comme des femmes-poissons.
Comme dans la Grèce antique, elles sont réputées maléfiques. L’Église voit en elles des séductrices (encore une fois !) et le symbole de la luxure.
Au Moyen Âge, les gens croyaient à leur existence. Des marins affirmaient en avoir vu dans la Manche ou aux alentours du détroit de Gibraltar. Les clercs débattaient d’ailleurs sur la question de savoir si ces monstres, à la limite de l’animalité et de l’humanité, ne méritaient pas d’être sauvées par Dieu, comme les hommes normaux.
Partez dès maintenant à la pêche aux sirènes dans les églises. Avec un peu de chance, vous trouverez peut-être les spécimens les plus étranges : à double queue ou recouverts de plumes.
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