Pour prendre un château ou une ville, les princes et les aristocrates disposaient d’un arsenal de machines en bois. On pense souvent à la catapulte. En vérité, les ingénieurs ont développé une arme plus redoutable : le trébuchet. Voyons son fonctionnement.
Image : Miniature d’un manuscrit français. Paris, années 1240, Bibliothèque J. P. Morgan, MS M.638, fol. 23v.
Lire l’article sur le siège d’Orléans.
Transcription de la vidéo
Utilisait-on des catapultes lors des sièges de châteaux forts ?
C’est la question que m’a posée Louis un enfant de 9 ans. Je suis ravi de sa question, car elle me donne l’occasion de parler brièvement des engins de siège au Moyen Âge.
D’abord, je vais corriger un travers de vocabulaire. Peut-être avez-vous ce défaut. C’est de vouloir appeler catapulte tout engin qui projette des pierres. Non pour deux raisons. D’abord parce que les catapultes de l’Antiquité pouvaient parfois lancer des flèches au lieu de boulets. D’autre part, parce que les catapultes appartiennent à un groupe bien précis : les armes à torsion. C’est-à-dire que leur fonctionnement repose sur des éléments élastiques (cordes, bois, nerfs d’animaux) qu’on va étirer au maximum, puis qu’on va relâcher. Comme un ressort qu’on arrête de presser avec le doigt, le relâchement crée une énergie capable de projeter des pierres ou des flèches. Tous les engins lançant des projectiles ne fonctionnaient pas sur ce principe. J’en parlerais tout à l’heure.
Les catapultes semblent abandonnées à la fin de l’Antiquité ou au début du Moyen Âge. Autrement dit, non Louis, les catapultes ne sont pas utilisées lors des sièges des châteaux forts. Probablement pour des raisons climatiques. Les cordages, ou les nerfs de bœuf utilisés pour la torsion n’appréciaient pas trop l’humidité de nos latitudes.
La solution : les armes à balancier
Mais alors, quoi utiliser pour assiéger une forteresse en pierre ? Les ingénieurs du Moyen Âge inventent les armes à balancier. C’est celles-ci qui vont nous intéresser. Leur mécanisme diffère en partie des armes à torsion comme la catapulte. Le Moyen Âge en a produit différents types au nom plus ou moins amusant : des pierrières, des bricoles, des mangonneaux, des couillards. Cependant, la machine la plus impressionnante de l’époque se nomme le trébuchet.
Faisons connaissance avec lui. Voici ses différentes composantes. Vous avez déjà un grand bras, le fameux balancier. D’un côté pend une huche, autrement dit une caisse articulée. On la remplit de terre, de sable, de cailloux… Si bien qu’elle peut peser plusieurs tonnes.
À l’opposé de l’arbre se trouve la fronde constituée d’une pierre dans une poche de cuir.
Pour préparer le tir, des hommes vont armer l’engin. Un peu comme pour la catapulte, ils rabattent l’une des extrémités du bras vers le sol, grâce à un treuil. La pierre est placée dans une glissière. On accroche le bras à la glissière, on peut alors enlever la corde du treuil. Le crochet de la glissière est soudainement ôté. Attention, c’est parti. Le balancier se redresse, entraîné par la huche qui joue le rôle de contrepoids. Ce contrepoids crée une énergie cinétique qui accélère le mouvement. La fronde libère le contenu de la poche. Éjectée, la pierre vient normalement se fracasser contre les murs de la forteresse.
Arme suprême du Moyen Âge avant l’apparition de l’artillerie à poudre, le trébuchet a donc pour but d’ébranler les murs, et, à force de multiplier les coups, de créer une brèche dans le rempart. Cet engin de bois peut en effet faire très mal, sachant le poids des projectiles, entre 40 et 300 kg si l’on en croit certains textes. Dans les années 1990, des expérimentations ont eu lieu en Écosse. Un trébuchet a pu envoyer un boulet de 140 kg à 220 m de distance. Vitesse calculée : 186 km/h.
Les inconvénients du trébuchet
Face à cet engin aussi puissant, vous pouvez penser que les sièges étaient pliés : toutes les armées ont dû en fabriquer et toutes les murailles se sont écroulées sous leurs coups. Non et non.
D’abord, parce que des murailles de plusieurs mètres d’épaisseur pouvaient supporter les chocs de ces projectiles. Et aussi parce que le trébuchet souffre de quelques inconvénients. C’est une machine complexe, bien plus que le petit schéma que je vous ai dessiné. Elle nécessite l’intervention d’ingénieurs qui maîtrisent la mécanique et la géométrie. Elle nécessite l’abattage de plusieurs gros arbres et une foule d’artisans : des charpentiers, des forgerons, des cordiers… Pensez aussi à toute la main-d’œuvre nécessaire à l’abattage du bois, au montage, à l’armement de la machine. N’oubliez pas le transport des dizaines ou des centaines de boulets. Au total, Renaud Beffeyte, expert en machines médiévales, estime qu’un trébuchet mobilise, de sa construction à son armement, de soixante à une centaine de personnes. Autrement dit, tous les chefs de guerre ne pouvaient pas se permettre de fabriquer un tel engin.
Ce coût et ce besoin de main-d’œuvre ne sont pas les seuls inconvénients. C’est une arme longue à armer. Du coup, sa cadence est lente : en moyenne, 2 tirs par heure. Rien à voir avec une mitraillette. Bref, si le trébuchet pouvait impressionner les assiégés, il ne décidait pas toujours du résultat du siège. Un assaut par échelle ou une mine creusée sous les murailles pouvaient se révéler plus efficaces pour obtenir la reddition d’une place forte.
Qu’importe, à partir du XIVe siècle, les ingénieurs militaires trouvent un meilleur mécanisme pour la projection des boulets : l’artillerie à poudre. Progressivement, les canons vont supplanter les armes à balancier. Démarre un nouvel âge dans la guerre de siège. Adieu le trébuchet.
Cette vidéo se termine. Si vous voulez voir des trébuchets de plus près, certains châteaux conservent des engins reconstitués comme à Castelnaud en Périgord ou Tiffauges en Vendée. Peut-être aurez-vous la chance d’assister à une démonstration de tir.
En attendant, regardez mon article sur le siège d’Orléans. Vous y verrez d’autres engins et d’autres techniques de siège. Le tout illustré par les images du film Jeanne d’Arc de Luc Besson. À bientôt.
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